Caractéristiques de la faune des bocages
Il n’existe pas de faune spécifique des bocages
La faune des bocages a une double origine
La diversité et richesse spécifiques y est importante
L’équilibre entre les espèces est lié à la complexité du milieu bocager
Les espèces et individus se répartissent de façon hétérogène
Il existe de nombreux échanges ente haies et structures adjacentes
Tous les auteurs s’accordent pour admettre l’absence d’espèce de vertébrés endémique du bocage (Constant et al. 1976a -Le Garff 1988 –Saint-Girons 1976 et 1990 -Saint-Girons et Duguy, 1976), phénomène tout à fait normal compte tenu de sa trop récente apparition.
Si ce n’est sur le plan qualitatif, la faune bocagère se singularise sur le plan quantitatif : elle est, en effet, diversifiée, riche, et en équilibre, la concomitance de ces trois critères constituant une originalité.
De plus, chaque bocage a ses caractéristiques liées à la fois au milieu naturel (climat, sol, végétation, faune), et à l’influence des hommes (haies de pied ou talus, habitudes ancestrales de traitement du boisement, etc…)
Pour conclure, comme le fait remarquer le Chapt (1975, in Brunel et al. 1980). « il apparaît difficile de définir une faune caractéristique de la haie, même s’il est justifié de considérer comme une biocénose les différentes espèces végétales et animales qui peuplent ce milieu original ».
Nombreux sont les exemples démontrant qu’une large part de la faune vertébrée du bocage est d’origine forestière (Saint-Girons, 1963 et 1976, inter alia), et la présence de la famille des sylvidés (Pouillot, Fauvette, etc….) rappelle, par simple nom, que le bocage est, le plus souvent, un reste de la forêt originelle, Saint-Girons (1976) note que deux des micromammifères rencontrés sur les talus bretons, le mulot gris (Apodemus sylvaticus) et le campagnol roussâtre (Cletrionomys glareolus), sont des espèces sylvicoles. Saint-Girons et Duguy (1976), pour leur part, soulignent que les reptiles du bocage sont des formes qui vivaient initialement dans les clairières ou les lisières des forêts, ou dans les landes.
Cependant, d’après Lefeuvre et al. (1976), assimiler les talus boisés du bocage à une forêt linéaire serait une erreur : son peuplement faunistique se singularise en opérant une véritable synthèse entre ceux des différentes zones d’incultures de l’agroécosystème. En effet le peuplement d’un bocage ne correspond pas à celui d’une forêt mais plutôt à une sommation d’espèces liées à différents milieux.
La diversité écologiques augmentant avec la complexité du paysage (Arnold, 1983 - Blondel et al. 1973 – Clavreul, 1984 – Lebreton et al.,1987), et le paysage bocager étant très complexe, elle y est très forte : milieux ouverts herbacés à divers degrés d’intensification (bordures herbacées, prairies naturelles fauchées ou pâturées, etc.), et milieux plus fermés (haies, bois, landes, fourrés préforestiers, etc.) permettent l’expression des diverses niches écologiques, et se caractérisent par la diversité de leur faune (Saint-Girons, 1963 et 1976, inter alia). Comparée à celle d’autres milieux, la variété des espèces écrasées le long d’une route traversant un bocage en témoigne, quel que soit le groupe vertébré considéré (Saint-Girons, 1984).
Les talus plantés du bocage représentent un milieu particulièrement favorable aux reptiles (Saint-Girons et Duguy, 1976) ; le plus souvent, leur densité, bien que très variable, y est plus élevée que dans les formations naturelles, et est rigoureusement proportionnelle, à la longueur des talus plantés, sans qu’intervienne la superficie des parcelles encloses.
voir la page sur l’importance des écotones pour les Réptiles
Les ornithologues signalent que la densité totale d’oiseaux pour 10 hectares peut être voisine de 100 couples en système bocager (Eybert 1972, in Constant et al. 1976a) enregistre de 37 à 88 couples en landes bretonnes, et Frochot (1971, in Constant et al. 1976a) fournit des chiffres variant de 22,4 à 68,6 pour une forêt de feuillus à différents stades de sa régénération. Remarquons que le nombre total d’espèces de passereaux montre une évolution parallèle à celle de la densité (Biber, 1980 –Constant et al. 1976a –Ferry et Frochot, 1970 –Notteghem, 1986).
Le bocage apparaît comme un milieu très riche, mais où l’amplitude des phénomènes biologiques est habituellement tamponnées, amortie, sans doute de la complexité des interrelations (Constant et al. 1976b –Libois et Rosoux, 1990, inter alia).
Saint-Girons (1952, 1963 et 1976) observe la rareté des explosions démographiques des populations de rongeurs en milieu bocager, ce qui a disparu dans l’openfield : l’analyse du contenu des pelotes d’un rapace, récoltées dans une région bocagère, indique qu’aucune espèce n’atteint le tiers des proies consommées, quatre constituant l’essentiel du régime, lorsque, dans un openfield, une seule, le campagnol des champs (Microlus arvalis), représente environ 70 % des mammifères capturés. Pourtant, les conditions écologiques du bocage (abondance de la nourriture et du couvert, conditions climatiques tempérées), sembleraient favorables aux pullulations massives. Or, il n’en est rien.
Cependant, les régulations de populations peuvent être liées à de nombreux facteurs, d’importance variable, tels que ceux existant chez les rongeurs (Constant, 1976 –Constant et al. 1976b –Saint-Girons, 1965 et 1976), et sui peuvent être appliqués à d’autres groupes :
les relations prédateurs-proies : la prédation, élément essentiel, provient de divers
groupes de vertébrés (reptiles, oiseaux, mammifères), et se manifeste de manière marquée sur les talus. Par exemple, c’est à ce niveau que les captures de belettes sont les plus fréquemment enregistrées (Constant et Richard, 1975). En outre, certains prédateurs, comme le putois, ont un spectre de proies très large, et un effort de prédation sur telle ou telle proie qui coïncidera avec sa disponibilité (Lodé, 1991b et c. inter alia) ;
les relations intraspécifiques, par le truchement de la surface du domaine vital, influencent la distribution. L’importance des aires des domaines vitaux du mulot ou campagnol roussâtre, par exemple, explique, en partie, la répartition régulière et l’absence de pullulation chez ces espèces : les possibilités de rencontre intraspécifiques sont multipliées au niveau des talus, par les surfaces relativement faibles de ceux-ci , ou les densités de populations qui y sont, généralement, observées :
Les relations interspécifiques, par la compétitions pouvant exister entre certaines espèces (mulot gris et campagnol roussâtre) :
Les facteurs génétiques qui expliquent en partie les « effets de masse ou de groupe »
Sans oublier l’influence de l’homme, notamment au travers des techniques culturales.
Tous les auteurs constatent l’hétérogène de la répartition spatiale des espèces et des individus au sein d’une maille bocagère. Nombreux sont ceux qui font état d’une véritable « opposition » entre la faune des haies et talus, et celle des champs.
Ainsi, pour Saint-Girons (1976), les espèce sylvicoles de petits rongeurs, le mulot gris et le campagnol roussâtre, ou un insectivore, la musaraigne couronnée (Sorex coronatus), ont une répartition linéaire le long des talus plantés et fréquentent peu les champs nus.
Inversement, les genres Microtus et Pitymys, caractéristiques des champs ouverts, ne se rencontrent qu’exceptionnellement sur le talus. Toutefois, même si le nombre d’espèces trouvées sur le talus et sur le champ est comparable, l’abondance est toujours supérieure sur le talus qui sert de zone d’abri tout au long de l’année, doublée d’un apport trophique au cours de l’automne et de l’hiver (Constant et al. 1976b, inter alia.
Pour les reptiles, la répétition locale dépend essentiellement de l’existence d’un couvert végétal assez dense entre le sol et un ou deux mètres de hauteur, ainsi que de la présence de bonnes place d’insolation à proximité immédiate de ce couvert (Saint-Girons et Duguy 1976).
Deux facteurs expliquent l’essentiel de l’hétérogénéité de la répartition spatiale des espèces et des individus :
l’hétérogénéité des caractéristiques physiques du milieu (climat, sol) qui peuvent agir directement ou indirectement par l’intermédiaire des plantes hôtes,
Le comportement des animaux.
Il semble exister trois types de faunes caractéristiques du bocage. A celle des haies et du milieu du champ, s’ajoutent des espèces réparties en bordure du champ cultivé et du talus. Cette faune de l’écotone serait une caractéristique importante du bocage.
Parmi les descripteurs locaux, le volume de végétation est le premier facteur influençant la distribution des passereaux nicheurs. Blondel et al. (1973) démontrent, en particulier, la relation positive entre le nombre de strates de végétation, ainsi que celle entre la densité d’oiseaux et le taux de recouvrement. Toutefois, les trois variables du paysage bocager (indice de connexion, linéaire de haie, et hétérogénéité du maillage) ne paraissent pas les plus informatives pour expliquer leur distribution : l’hétérogénéité globale de l’utilisation du sol serait plus pertinente (Dubs et Burel, 1994).
Les possibilités d’échanges entre les talus boisés et la parcelle sont très nombreuses, et varient considérablement d’une espèce à une autre. Même au sein d’un groupe donné, tous les intermédiaires sont possibles entre les animaux qui vivent exclusivement dans les talus, et ceux qui ne vivent que dans les champs.
Dans le cas des micromammifères, les déplacements saisonniers sont plus importants en zone bocagère qu’en champ ouvert, le champ constituant une zone exploitée essentiellement pour la nourriture, secondairement pour l’abri que fournit son couvert végétal, jusqu’à la période de la moisson (Constant et al., 1976b –Saint-Girons, 1976, inter alia).
Un milieu colonisé peut ne pas l’être de façon continue si la ressource alimentaire n’est pas constante et suffisante pour l’espèce considérée (Constant, 1976),tel est le cas du mulot gris (Butet, 1990 –Saint-Girons et Wodzicki, 1985 – Saint-Girons et al. 1986). Saint-Girons (1976) constate que cette population est transférée, en partie, dans les champs au printemps, en fonction de la croissance des céréales ; en revanche, les campagnols des champs restent toujours dans les parcelles, et en changent s’ils sont dérangés.
Les mouvements de population apportent la preuve que le couple haie-structure adjacente ne doit pas être considéré comme une structure figée mais évolutive : ces évolutions peuvent se produire d’une période de l’année à une autre, mais également à plus long terme par le vieillissement de la haie.