D’après la synthèse de Jean-Christophe Tourneur et Stéphane Marchandeau (ONCFS, 1996)
Le terme de bocage désigne un type de paysage agraire, résultant des évolutions conjuguées du milieu naturel et de la société rurale.
Caractéristique, notamment, de l’Europe Occidentale (ouest Armoricain, ouest Vendéen, Limousin, Bourbonnais, Thiérache et Pays Basque, pour la France), il s’oppose, presque trait pour trait, à l’openfield de la France de l’Est, de l’Allemagne rhénane et centrale, et de certaines parties de l’Europe Orientale.
La densité de haies en France (sources : IFN, 2007)
L’origine du bocage est très ancienne, et peut remonter à l’âge de fer. Son extension est, cependant, très marquée à partir du XVIIIème siècle, époque à laquelle l’essor démographique, d’une part, et la disparition des propriétés nobiliaires, d’autre part, ont nécessité le partage des communaux et des grands domaines (Flatres, 1976 –Meynier, 1976).
Une de ses définitions, remarquable par sa simplicité, et acceptée par l’ensemble des géographes et des écologues, est celle qu’en donne Meynier (1976) : « Un paysage d’enclos verdoyant ». Un bocage, stricto sensu, comporte donc des clôtures qui doivent former un réseau de mailles plus ou moins grandes, plus ou moins géométriques, et être constituées ou bordées d’une bande de végétation : haies vives, le plus souvent, mais pas uniquement (Flatres, 1976 et 1993 –Mondolfo et Lorfeuvre, 1986, inter alia).
Partant de cette définition, bien des cas de figure sont possibles, depuis les zones bocagères à haies simples sans talus du Massif Central, jusqu’aux parcelles exiguës, au maillage serré, bordées de haies de certains secteurs de la Basse-Normandie.
Il existe de nombreuses typologies, selon le type de clôtures ou de parcelles entourées, les espèces d’arbres dominantes, la forme et la dimension des mailles, et l’origine du bocage. Selon ce dernier critère, cinq principaux types peuvent être définis (Soltner, 1986 et 1991, inter alia) : le bocage secondaire, le semi-bocage, et le bocage dégradé. De nombreux auteurs (Baudry et Burel, 1985 – Burel, 1990 – Coutel, 1992, inter alia) soulignent qu’il est important de ne pas se limiter à l’unique notion de maillage, mais de prendre aussi en considération la structure des haies de ce maillage. Ils insistent sur l’hétérogénéité du réseau bocager. Elle apparaît dans la répartition spatiale des haies, et dans la composition spécifique des haies, et l’histoire sur la répartition de la densité des haies.
Le bocage se caractérise par une diversité floristique, présente surtout dans les haies mais aussi dans les cultures, des conditions climatiques propres, et une interpénétration des zones d’inculture et de culture. Ces dernières sont variées : les bocages sont traditionnellement des zones de polyculture-élevage, associant prairies permanentes et cultures fourragères, céréalières ou sarclées.
D’après la synthèse de Tourneur et Marchandeau (ONCFS, 1996)
Les intérêts de la haie et du talus sont bien connus (Chemin, 1975 – Lucas, 1965 – Soltner, 1986 et 1991, inter alia). Les conséquences de leur arasement abusif ont déjà été décrites par de nombreux auteurs. Les cinq grandes fonctions identifiées par Le Duc et Terrason (1974, inter alia) sont :
la régulation du climat,
la régulation hydraulique,
la conservation des sols,
le maintien d’équilibres interspécifiques,
une fonction de production,
l’amélioration du cadre de vie.
En fonction des régions, leurs rôles principaux ne sont pas perçus de la même façon : par exemple, la protection contre le vent en Bretagne, alors que c’est la production de bois dans l’Avesnois (Coutel, 1992).
D’après la synthèse de Tourneur et Marchandeau (ONCFS, 1996)
Les haies, constituées d’essences variées d’arbres, d’arbustes et de plantes herbacées, représentent pour les vertébrés qui les fréquentent :
une structure riche en disponibilités alimentaires variées,
une structure riche en abris variés permettant reproduction, repos et refuge contre les
prédateurs ou les diverses agressions du milieu,
une structure linéaire favorisant le déplacement des individus (corridors), et pouvant aider à la survie de populations organisées en métapopulations (Burel, 1990 – 1984 – Lodé, 1991A – Paillet et Butet, 1994 6 Saint-Girons et al. 1986),
une zone de lisière : l’interpénétration entre les haies et les cultures multiple, sur de
longues distances. L’ « effet-lisière » (Frochot et Lobreau. 1987), souvent recherché par la faune, et marqué par de très forts gradients des facteurs écologiques ; des échanges s’établissent en bordure (écotones8) entre les deux types de Zones, à des niveaux très divers. La haie,à elle seule, constitue même une double lisière.
La haie, lato sensu, fournit abri et nourriture à une multitude d’animaux, de tous les groupes zoologiques (mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, mollusques, insectes, microorganismes, etc..), tous les niveaux de colonisation (sol, litière de feuilles et humus, feuillage, tiges, troncs et hautes branches), et toutes les formes d’alimentation (détritivores, herbivores, granivores, insectivores, carnivores). Comme l’écrit Saint-Girons (1952), « le caractère principal du bocage, du point de vue de la faune, réside dans la co-existence de deux facteurs peu souvent réunis : des abris (talus couverts avec végétation touffue et galeries souterraines permanentes) et d’importantes réserves de nourriture dues à la culture. »
Toutefois, l’une des principales caractéristiques du bocage est l’absence d’une faune qui lui est typique (de même pour la flore), le fait que cet agroécosystème soit récent empêche toute inféodation. Cependant, trois caractères peuvent être retenus, leur présence conjointe constituant l’originalité de ce milieu :
Une richesse spécifique qui lui permet de jouer un rôle important dans la biodiversité : s’y rencontrent dans la biodiversité :
s’y rencontrent des espèces de biotopes très variées (bois, marais, landes, champs ouverts, etc ). Ceci se comprend aisément en connaissant la variété des milieux observés dans un bocage, ainsi que l’ « effet-lisère » important qu’il présente. Néanmoins, des haies peuvent offrir de bonnes conditions d’habitat à une espèce sans que celle-ci soit présente, à cause de l’isolement par rapport aux sources de propagules ;
Une diversité spécifique :
sans doute le caractère le plus évident. De nombreuses espèces sont représentées, sans que, le plus souvent, l’une ou l’autre ne soit particulièrement abondante ou, au contraire, particulièrement rare. Cette caractéristique est propre aux paysages variés qui s’opposent aux agrosystèmes monoculturaux en champs ouverts, ainsi qu’aux forêts monospécifiques ;
Un équilibre entre les espèces :
ce caractère découle des deux autres, et résulte des interactions qui existent entre les animaux. Les variations cycliques des densités de populations ne sont pas totalement inconnues, mais elles atteignent rarement l’ampleur de celles constatées dans d’autres systèmes. Ce rôle est d’autant plus marqué que la diversité des espèces, donc la complexité des chaînes alimentaires, est maximale (haies âgées et composées d’espèces indigènes). La haie, située à l’interface de plusieurs milieux, est un lieu d’échange, de passage et de refuge privilégié pour la faune, et les haies sont connectives entre elles, ce qui permet aux espèces de circuler .
Le rôle biologique de la haie apparaît donc fondamental, et il est aisé de vérifier que la diversité des espèces composant la haie est le meilleur garant de son activité biologique (chaque animal y trouvera refuge et nourriture), et de son aspect esthétique. Un rôle complémentaire de la haie est son action sur l’environnement. Il est indissociable du rôle biologique, tant dans le climat que l’hydrologie, au niveau local ou régional, et aussi dans l’économie (Coutel, 1992 – Gaury, 1987 – Laugley-Danysz, 1984).
D’après la synthèse de Tourneur et Marchandeau (ONCFS, 1996)
Les structures bocagères évoluent très rapidement dans le sens d’une simplification par destruction d’un grand nombre de haies et de talus, accompagnée d’une transformation des systèmes d’exploitation agricole qui demeurent de plus en plus intensifs et spécialisés. Cet arasement entraîne une diminution de la diversité biologique par :
La disparition des espèces qui, à un moment ou l’autre de leur cycle de développement, sont liées à cette zone d’inculture, et, a fortiori, celles qui comme les reptiles, ne peuvent vivre que si les talus existent,
Le développement d’espèces adaptées aux champs ouverts et pouvant être « nuisibles » (Etourneau, par exemple), au dépens des oiseaux insectivores, par exemple, qui se raréfient, notamment par diminution de la faune d’insectes auxiliaires des cultures.
Comme le signale Saint-Girons (1993), « les modifications du paysage qui se déroulent actuellement, sous nos yeux, ont pour effet essentiel de diminuer la diversité, plus rarement la richesse spécifique, et de favoriser l’extension des ravageurs ».
Heureusement, après une "destruction massive des haies" (Moinet, 1981) lors de remembrements, la prise de conscience de l’importance du bocage paraît collective, comme le signale Hubaud (1992) : « dans le cadre des aménagements fonciers, des efforts ont été faits pour limiter les arasements ; Dans les années 70, sur le Morbihan, le linéaire de haies arasées, à l’hectare, était en moyenne de 110 à 120 (il atteignait plus de 200 m sur certaines communes). Il est aujourd’hui de l’ordre de 22 à 25 m ».
Le maintien de la qualité d’un bocage vis-à-vis de la faune suppose une préservation de la diversité des haies, tant au point de vue de la structure que de la composition floristique, une préservation des structures adjacentes, une taille de parcelles adaptée, et la présence d’un maillage complet.