Pôle Bocage
et Faune Sauvage

Caractères biologiques

Régime alimentaire
Le régime alimentaire du Pigeon ramier est presque exclusivement constitué de végétaux
divers : graines (céréales, oléo-protéagineux), bourgeons, jeunes feuilles, fleurs, baies (lierre
particulièrement), galles de feuilles de chênes, faines et glands, racines (Cramp 1985, Aubineau &
Boutin 2001). La proportion de ces aliments dans le bol alimentaire variera au cours de la saison en
fonction des opportunités : végétaux verts et semis en fin d’hiver et au printemps, graines en été,
faines, glands et baies en automne. En cours d’élevage des jeunes, les oiseaux incluent quelques
proies invertébrées (vers, escargots, chenilles). En zone urbaine, le pain peut être occasionnellement
consommé. Il n’y a pas de compétition alimentaire directe entre le Pigeon ramier et les autres
colombidés car sa grande taille lui permet de consommer des items trop gros pour le Pigeon colombin
ou les tourterelles.

Activité
L’espèce est territoriale pendant la reproduction mais grégaire en dehors de cette période. Les
comportements territoriaux, exprimés quasi uniquement par les mâles apparaissent dès mars, voir plus
tôt en milieu urbain. Les oiseaux commencent alors à quitter les dortoirs pour venir parader de plus en
plus longtemps sur les futurs sites de reproduction. Les mâles ne défendent généralement que les seuls
abords du nid. La taille des territoires est extrêmement variable en fonction des habitats fréquentés et
de la pression de prédation. Aubineau et al. (1998) donnent entre 6 et 13 mâles chanteurs / km2 en
zone bocagère. En milieu agricole, les plus fortes densités de nicheurs sont atteintes dans les bosquets
entourés de cultures intensives. En forêt de type futaie, on obtient les plus faibles densités avec
souvent moins de 1 couple / 10 ha. Enfin en milieu urbain, on atteint des densités nettement plus
élevées, particulièrement en l’absence de prédateurs, qui peuvent largement dépasser 70 couples / ha.
La parade des mâles se compose de vols en cloche où l’oiseau claque des ailes pendant l’ascension, et
de roucoulements poussés sur ou à proximité du site potentiel de nidification. A l’approche d’une
femelle, le mâle peut émettre un chant plus sourd et court, dit d’appel au nid (Géroudet 1983). La
fréquence des phases de chant est plus intense de l’aube à la fin de la matinée. En fin de saison de
reproduction, les oiseaux commencent à se regrouper aussi bien en phase diurne sur les sites
d’alimentation que la nuit en dortoir, ceux-ci pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers
d’individus. Les oiseaux urbains vont souvent à cette époque rejoindre les dortoirs en zone rurale.

Reproduction et survie
Le couple, une fois formé, reste généralement uni pendant l’intégralité de la saison (Cramp
1985). Le territoire est choisi à l’initiative du mâle (Géroudet 1983). La construction du nid dure de 8
à 12 jours (Alaux 1993) et implique la coopération des deux sexes, le mâle apportant des brindilles, la
femelle construisant le nid (Géroudet 1983). Un même nid peut être réutilisé au cours de la même
saison ou de saisons successives, particulièrement si la reproduction a réussi. Le Pigeon ramier est
virtuellement capable de se reproduire toute l’année. Toutefois Murton (1965) indique que la ponte ne
peut démarrer qu’à partir du moment où la durée diurne excède le temps nécessaire pour s’alimenter
en journée. Les premières pontes peuvent être déposées dès mi-février (milieu urbain) mais plus
généralement en mars, les dernières survenant en octobre (Murton, 1965 ; Géroudet 1983, Yeatman-
Berthelot & Jarry 1994). Le pic de ponte se situe de juillet à septembre en milieu agricole, un peu plus
tôt en secteur urbain (Murton 1965). Les pontes sont généralement peu synchrones du fait du fort taux
de prédation des oeufs (Murton 1965). Les pontes comportent le plus souvent 2 oeufs, plus rarement 1
ou 3 (Murton 1965). Le nombre de pontes varie de 2 à 6-8 selon que les oiseaux ont réussi ou échoué.
Ce nombre de tentatives est plus réduit pour les oiseaux d’un an car ceux-ci démarrent plus
tardivement (1 à 2 mois) que leurs aînés. L’incubation dure 17 jours mais les adultes peuvent couver
jusqu’à 19 jours si les oeufs sont infertiles. La femelle en assure la majeure partie (18 heures sur 24).
L’élevage au nid dure de 22 à 25 jours, et se prolonge par une période de soins post-envol d’au moins
une semaine (Géroudet 1983). Pendant les 3 premiers jours les poussins sont nourris uniquement par
une sécrétion laiteuse produite par le jabot des deux adultes : le caséum. Par la suite les adultes vont
progressivement remplacer le caséum par des graines et végétaux, la nature des items variant en
fonction de la saison. En moyenne les poussins s’émancipent autour de 35-40 jours. L’intervalle entre
deux reproductions réussies est d’environ 6 semaines.
Chez le Pigeon ramier, le risque d’échec est particulièrement élevé pendant l’incubation, avec
des taux pouvant atteindre plus de 90% des couvées. En moyenne sur l’année le succès à l’éclosion se
situe autour de 50% (Murton 1965). La prédation constitue généralement la cause principale de ces
échecs surtout en début de saison, lorsque les adultes sont encore amenés à laisser momentanément
les oeufs seuls pour se nourrir (Royaume-Uni : 97.3%, Murton 1965). Plus généralement, l’intensité de
la prédation sera corrélée positivement à la densité en nids (Murton 1965). Le succès à l’envol reste
plus élevé et constant sur la saison : de 50 à 87% selon les sites. Ce succès est maximal sur la période
juillet-septembre, où la disponibilité en graines est importante. La mortalité des poussins diminue
également avec l’épaisseur du feuillage. Le succès reproducteur total varie de 20 à 40%. La
productivité chez le Pigeon ramier s’établit autour de 2.1 jeunes produits par couple par an (Murton
1965) ; Jean (1997) donne 2 jeunes/couples/an pour les « palombes » migratrices, en revanche
Guermeur & Monat (1995) estiment que sur le secteur de Grand-Lieu (Loire Atlantique), 2100
couples produisent 12600 jeunes /an, d’où une productivité de 6 jeunes par couple par an ! il a été
montré expérimentalement que la régulation des prédateurs n’affecte pas la productivité globale car
les ramiers compensent le taux d’échec par le nombre de tentatives de reproduction. Il apparaît alors que seule la disponibilité alimentaire peut affecter significativement la productivité et à terme la taille
de la population.
La survie globale chez les Pigeons ramiers avoisine 54% . Au Royaume-Uni, la survie est
passée de 54 à 61% entre les périodes 1965-1977 et 1977-90 grâce au développement des cultures de
colza qui a permis une diminution de la mortalité hivernale. Ce chiffre global cache cependant des
disparités importantes entre adultes et sub-adultes. La mortalité en 1ère année est estimée entre 41 et
79%, la mortalité en 2ème année est généralement similaire où légèrement inférieure à celle de 1ère
année. La mortalité adulte oscille entre 30 et 36% selon les études. Cette différence entre classes
d’âge résulte de la moins bonne condition corporelle des juvéniles en automne-hiver. En fait,
l’amélioration de la survie globale peut s’expliquer par la diminution de la mortalité juvénile en
hiver : l’arrivée du colza a permis aux jeunes d’atteindre plus facilement une bonne condition
corporelle en hiver d’où une meilleure survie. Ainsi les individus les plus légers ont 28% moins de
chance de survivre en hiver. Les juvéniles sont également plus vulnérables à la chasse mais
essentiellement en fin de période de reproduction et non au delà. L’espérance de vie est d’environ 25
mois pour les oiseaux de moins d’un an, de 38 mois pour les oiseaux ayant survécu à leur 1ère année.
Murton (1965) estime que la population de ramier anglaise peut rester stable avec une mortalité adulte
de 36%, et un taux de prédation atteignant 80% des couvées. Une autre étude, intégrant la mortalité
naturelle et celle induite par la chasse, a calculé qu’il fallait 1.8 jeune/couple/an pour que la
population danoise puisse rester stable.

La migration
Le statut migrateur du Pigeon ramier en Europe occidentale diffère selon la latitude. Là où le
sol est recouvert de neige plusieurs dizaines de jours par an, les oiseaux migreront systématiquement.
Autour de l’isotherme 0°C, la migration sera plus irrégulière et moins lointaine. Au delà, les oiseaux
seront sédentaires, avec éventuellement des comportements erratiques lors de conditions climatiques
particulièrement défavorables (Jean 1997). La France est survolée en automne par des populations
dites de « longs migrants », en provenance de Russie occidentale, de Pologne, d’Allemagne de l’est et
du sud, de République Tchèque, de Suisse, de Finlande, et du nord de la Suède (Lebreton 1969, Jean
1997), qui vont hiverner dans les forêts de chênes verts et lièges d’Estrémadure et du Portugal (Jean
1997). Ces vols migratoires empruntent une voie « continentale », du Jura aux Pyrénées qu’ils
franchissent entre mi et fin octobre (Jean 1997). Un petit flux contourne les Alpes par le sud pour
rejoindre le flot principal (Belaud 1996, Jean 1997). Ces dates de passage sont très régulières d’une
année à l’autre, et peu sensibles aux aléas climatiques (Jean 1997, Beitia et al. 2001). La France
constitue de plus une zone d’hivernage pour d’autres populations (moyens migrants), originaires du
nord de l’Allemagne, du Danemark, de l’Autriche, du sud de la Suède, et enfin du
Benelux (Jean 1997). Cette seconde population arrive en France environ 3 semaines plus tard, début
novembre (Lebreton 1969, Jean 1997), en empruntant une voie de migration « atlantique » : du
Benelux à la région Aquitaine (Lebreton 1969, Jean 1997). Ces moyens migrants vont principalement
séjourner sur les grandes zones de maïsiculture du sud-ouest et plus généralement sur toute la façade
Atlantique de la France ainsi que la région Centre (Jean 1997, Arnauduc 2001, Bellot et al. 2001).
Le début de la migration prénuptiale est généralement noté en France à partir de mi-février, avec un
point culminant pendant la 1ère quinzaine de mars. On retrouve à nouveau un décalage, mais qui cette
fois s’inverse, entre les moyen et long migrants, ces deniers arrivant 3 semaines plus tard sur leur
zones de reproduction (Jean 1997). Là encore cette migration se caractérise par une très grande
régularité dans les dates. Les Pigeons ramiers migrent de jour, en évitant le plus possible de
s’aventurer en mer, à l’exception des détroits de quelques kilomètres de largeur (Jean 1997).

Ecologie en hiver
En période hivernale, le Pigeon ramier devient grégaire, les oiseaux constituent alors des
groupes de tailles variables, de quelques dizaines à plusieurs centaines de milliers d’oiseaux.
(Géroudet 1983). Ces groupes éclatent en journée lors de la prospection alimentaire. Les habitats
recherchés par les oiseaux à cette époque répondent alors à 2 critères principaux : la disponibilité
alimentaire et la tranquillité. On peut définir les sites d’alimentation selon deux grandes catégories
des parcelles de grande taille avec soit des chaumes de céréales (maïs), soit des semis d’hiver de
brassicacées (colza) ou de céréales (orge, blé) (Schnock & Seutin 1981). De plus, les paysages de
monoculture, avec une raréfaction des haies permettent un repérage plus aisé des prédateurs ; des
chênaies ou hêtraies avec une forte production de glands ou faines. Ces zones peuvent accueillir de
grandes concentrations d’oiseaux mais avec une forte variation d’une année à l’autre, selon l’ampleur de la fructification. De manière générale, l’oiseau recherche des surfaces à couvertures rases
(pelouses ou terre nue) afin de limiter sa vulnérabilité aux prédateurs. Les sites de dortoir seront
situés généralement dans les bosquets ou bois les plus proches de ces sites d’alimentation, bien que
les Pigeons ramiers soient capables de parcourir plusieurs kilomètres pour aller se nourrir si
nécessaire (Murton 1965). Etant donné la brièveté de la durée du jour en hiver, l’essentiel de cette
période sera consacrée à s’alimenter (jusqu’à 95%, Murton 1965) : le temps nécessaire à l’obtention
du bol alimentaire quotidien sera atteint nettement plus vite si l’oiseau se nourrit plutôt de glands ou
de faines que de maïs (Jean 1997).

 

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