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Les intérêts de la préservation du bocage pour la biodiversité
Issues de la synthèse bibliographique intitulée :
"Milieux bocagers et biodiversité. Les vertébrés typiques du grand-ouest. Enjeux de la préservation de cet agroécosystème" de Jean-Christophe Tourneur et Stéphane Marchandeau, ONCFS, 1996.
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Maintien de la diversité et de la richesse spécifique
L’ensemble des travaux réalisés démontrent l’intérêt de la conservation du bocage dans le maintien de la biodiversité : cet agroécosystème, avec un parcellaire ad hoc, est toujours plus riche que les milieux avoisinants.
Avec l’arasement des talus et l’ouverture du milieu, la richesse spécifique diminue, et de moins en moins d’espèces représentent un pourcentage de plus en plus important de la population totale, que ce soit pour les passereaux nicheurs (Constant et al., 1976a –Clavreul, 1984), ou les micromammifères (Constant et al., 1976b). Pour les amphibiens et les reptiles, la destruction des haies provoque leur disparition, leur présence étant étroitement liée à celle des talus (Le Garff, 1988 –Saint-Girons et Duguy, 1976).
Or, les signataires de la convention de Berne (1979) reconnaissent « que la flore et la faune sauvages constituent un patrimoine naturel d’une valeur esthétique, scientifique, culturelle, récréative, économique et intrinsèque, qu’il importe de préserver et de transmettre aux générations futures ».
Le maintien du bocage constitue une des réponses possibles à ce vœu.
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Contrôle des équilibres
Les zones bocagères n’ont jamais présenté de pullulations telles que celles observées dans les zones d’openfield. Il apparaît donc que par leur structure même, tout en favorisant une grande diversité spécifique, elles régulent les populations et empêchent, ainsi, les pullulations souvent observées dans les zones totalement ouvertes. A propos de la lutte contre le Campagnol des champs, Quere et al. (1991) encouragent, au niveau du paysage, le maintien de haies, de couloirs de circulation, et de milieux favorables à la présence d’une faune prédatrice abondante (carnivores et rapaces).
Qui plus est, en zone remembrée, la perte d’équilibre accroît l’emploi de pesticides, et réciproquement : d’une part, parce que les populations de parasites se développent à un niveau plus élevé et ne sont plus arrêtées par les haies, ni régulées par les prédateurs qu’elles contiennent, d’autre part, parce que l’emploi de pulvérisateurs, et même d’hélicoptères, est rentable pour les surfaces devenues plus importantes (Moinet, 1981). Cette consommation n’est pas sans conséquences sur le milieu.
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Préservation d’espèces menacées
Les signataires de la convention de Berne (1979) « (…) constatent la raréfaction de nombreuses espèces de la flore et de la faune sauvages et la menace d’extinction qui pèse sur certaines d’entre elles ».
Parmi les vertébrés du bocage, nombre d’entre eux (voir tableau) figurent à l’annexe II de la convention de Berne (version de 1992) qui énumère les espèces de faune strictement protégées.
La consultation du Livre rouge des espèces menacées en France (MNHN, 1983) ne fait que confirmer, en y ajoutant quelques noms (Muscardin, Triton marbré, Oedicnème criard, par exemple), tout l’intérêt du bocage dans la protection et la préservation d’espèces d’intérêt patrimonial.
Comme l’écrit Saint-Girons (1990), a propos de la faune semi-aquatique, "ce qui est le plus remarquable dans les bocages de l’ouest, c’est le maintien d’espèces rares qui ont disparu depuis plus ou moins longtemps de la majorité de la France".
Dans le grand-ouest, même très rare, le Vison d’Europe (Mustela lutreola) a fait, et fait encore, partie de la faune bocagère (Chanudet et al. 1966 – Lafontaine, 1988 – Sado, 1967 – Saint Girons, 1990 ). Tout comme la loutre, dont cette région représente l’une des dernières zones de refuge (Duplaix-Hall, 1971 – Lafontaine, 1991 a et b – Lodé, 1989 – Saint-Girons, 1990), et qui pourrait être un moyen de lutte contre le Rat musqué (MAHIEU, 1980). Ou encore le Castor (Castor fiber) pour lequel des opérations de réintroduction en Bretagne et sur les cours inférieur et moyen de la Loire sont menées (Rouland et Migot, 1991).
Après avoir déclaré que des espèces étaient menacées, les signataires de la convention de Berne ont écrit être « conscients de ce que la conservation des habitats naturels est l’un des éléments essentiels de la protection et de la préservation de la flore et de la faune sauvages (…) ». Selon l’IFEN (1995), « la destruction des milieux naturels est devenue (en France) la menace la plus importante pour les mammifères (uniformisation et appauvrissement des habitats), les oiseaux (disparition de zones humides, banalisation de forêts), les reptiles (suppression de haies, aménagements agricoles et touristiques), les amphibiens (remembrement, disparition de mares, multiplication par 2.5 des surfaces drainées de 1979 à 1990) ou les poissons (destruction des frayères) ».
Il ne peut donc être question de vouloir maintenir la biodiversité créée par le milieu bocager sans envisager la préservation, avec aménagement s’il convient, de ce milieu. Comme l’écrit Le Garff (1988), pour mieux souligner l’importance de préserver les milieux, « cesser de tuer est certes un premier pas important, encore faut-il laisser la possibilité de vivre ».