Les haies : utiles ou nuisibles aux agriculteurs ?
Daprès la synthèse de Jean-Christophe Tourneur et Stéphane Marchandeau (ONCFS, 1996)
L’examen des fonctions réservoir ou relais illustre la difficulté, voire l’impossibilité, à attribuer un rôle « utile » ou « nuisible » au bocage à l’égard des déprédateurs animaux des cultures : les espèces phytoghages qui se maintiennent dans les haies peuvent contaminer les cultures (rôle « nuisibles »), mais elles assurent la subsistance d’auxiliaires divers, animaux ou maladies, qui peuvent gagner les champs et maintenir les populations de déprédateurs à des niveaux acceptables pour l’agriculteurs (rôle « utile ») . Par exemple, un rouge-gorge adulte consomme, quotidiennement, 750 à 800 invertébrés, soit 120 % de masse corporelle (Grajetzky, 1993).
Saint-Girons et Wodzicki (1985) écrivent, néanmoins, à propos d’une culture de maïs, que l’existence d’une haie dense est négative d’un point de vue strictement agricole, mais que cette action est compensée par les effets positifs des talus plantés sur les composants abiotiques du milieu (climat, sol, etc..).
Quoi qu’il en soit, la diversité faunistique de la haie concourt à ne jamais laisser pulluler une espèce au point de devenir nuisible, ses prédateurs étant toujours là. Comme l’écrit Saint-Girons (1965), le bocage se caractérise par un équilibre entre les espèces, et l’importance des insectivores utiles.
En outre, la valeur et l’utilité du bocage ne se résument pas, trop simplement, au seul intérêt biologique : il existe les rôles de brise-vent, anti-érosif, de réservoir d’eau, etc…
Vers la recherche d’un compromis entre économie et écologie
Les efforts de remembrement sont nécessaires d’un point de vue agricole : la multiplication des talus limitant des champs de trop petite taille n’est pas souhaitable. Cependant, un équilibre entre la surface cultivée et la surface de talus plantés est à trouver.
L’agriculteur souhaite les parcelles les plus grandes possibles pour répondre aux contraintes économiques, mais il doit tenir compte des contraintes écologiques. Compte tenu de ces remarques, celles de quatre à cinq hectares semblent correspondre au meilleur maillage (LeClezio, 1976 – Renard 1976).
Cependant, si le rôle de brise-vent impose certaines limites, si les données pédo-hydrologiques exigent de garder certaines haies, l’appréciation du maintien de l’équilibre biologique est des plus délicates, le nombre des informations à intégrer étant énorme. Faire la différence, sur le plan faunistique, entre l’influence de la densité de haies par hectare, celle de la surface des parcelles ou du maillage, et celle des méthodes de mise en valeur agricole, demeure donc difficile. Pourtant, une évidence apparaît : la sauvegarde de certaines espèces passe par une véritable politique de conservation des milieux.
La spécialité faunistique du bocage étant liée à de multiples facteurs, les réactions de la faune, surtout aviaire, à des remaniements brutaux du milieu, sont variées. Le type de haie ou de gestion de parcelle qui satisfait les besoins de toutes les espèces, ou optimise leur habitat, n’existe pas : de multiples fonctions sont remplies selon les saisons et les exigences écologiques des différentes espèces (Arnold, 1983 – Biber et Biber, 1980 – Collette, 1994 – Green et al. 1994 – Lakhani, 1994 – Notteghem, 1987 – Parish et al., 1994 – Saint-Girons, 1984). Ce raisonnement s’applique aux autres éléments du bocage : les labours attirent telles espèces, les pâturages telles autres.
En outre, il ne faut pas oublier que la plupart des études concerne, pour des raisons d’échantillonnage, principalement les espèces les plus communément rencontrées dans les haies, et non certaines qui sont menacées. En conséquence, les conclusions de certaines études devraient être appliquées avec précaution à une notion plus globale de gestion de conservation des communautés animales des haies : adopter une seule recommandation, telle une grande haie avec beaucoup d’arbres, favoriserait la majorité des espèces et augmenterait certainement la richesse spécifique, même si certaines qui apprécient particulièrement les haies par rapport à d’autres habitats, pourraient ne pas en profiter. Un seul type de haie serait donc préjudiciable à la diversité spécifique du bocage.