Capreolus capreolus L.
Classe des mammifères
Ordre des artiodactyles
Famille des cervidés
Par Daniel Delorme , Carole Toigo
Le chevreuil est le plus petit représentant des cervidés européens.
Ses caractéristiques bio métriques sont les suivantes :
Hauteur au garrot : 60 à 80 cm
Longueur totale : 1m à 1.25m
Poids : 20 à 25 kg. A noter un léger dimorphisme sexuel, la chevrette étant toujours plus
légère que le brocard de 2 à 3kg
Présence de bois chez les mâles
Le pelage est de type livrée durant les premières semaines de vie chez le faon puis de couleur
fauve voire rousse en été pour devenir grise en hiver. (mue de printemps en avril mai et mue
d’automne en octobre)
La distinction des sexes est possible par observation des bois et du pinceau pénien chez le
mâle et de la touffe de poils à la base de la vulve chez la femelle.
La détermination de l’âge est impossible en nature. La différenciation des jeunes de moins
de 1 an (comportement et morphologie) par rapport au adultes est toutefois réalisable dans
de bonnes conditions d’observation.
Alimentation
Le chevreuil est très sélectif et recherche une alimentation riche et diversifiée.
- En milieu forestier, les rameaux et les feuilles des végétaux ligneux et semi-ligneux sont
prépondérants dans le régime alimentaire.
- La plus grande partie est fournie par les semi-ligneux et en particulier le lierre et la ronce
ainsi que la callune, la myrtille, l’airelle et le framboisier.
Les essences ligneuses à feuilles caduques sont surtout utilisées durant la phase végétative
(printemps été). Le chêne (Quercus sp.), le charme(Carpinus betulus), l’orme (Ulmus
Campestris), les érables (Acer sp.), et les cornouillers (Cornus sp.).
Parmi les résineux le sapin (Abies alba) et le pin maritime(Pinus pinaster) sont
particulièrement recherchés.
La consommation des plantes herbacées bien que régulière reste cependant faible à
l’exception de la période de redémarrage de la végétation au printemps quand les plantes
présentent une haute digestibilité et une forte valeur nutritionnelle.
En milieu agricole, le chevreuil de plaine se nourrit surtout de céréales d’hiver, colza,
luzerne et betteraves. La recherche de nourriture dans les milieux boisés subsistants reste
marquée.
Activité
Le rythme d’activité du chevreuil est dit polyphasique. Le cycle journalier présente 6 à 12
phases d’activité dont 2 particulièrement marquées au lever du jour et à la tombée de la nuit.
Organisation sociale et spatiale
L’organisation sociale est basée sur la cellule familiale : chevrette et son (ses) jeune(s) de
l’année. Après une phase cryptique de quelques semaines, les jeunes accompagnent
progressivement la mère dans ses déplacements.
La cohésion du groupe devient forte à partir du mois d’août pour diminuer en mars avril de
l’année suivante jusqu’à l’éclatement en mai.
Lorsqu’une population n’occupe pas toute la surface disponible, la dispersion des jeunes est
favorisée et fait suite à la rupture de la liaison mère- jeune. Les sub-adultes quittent le territoire
de naissance et recherchent un domaine personnel durant une période erratique variant de 6 mois
à un an.
Lorsque la densité de la population atteint la saturation de l’habitat, les jeunes cherchent à
s’installer sur le domaine maternel ou à proximité (philopatrie) Ce comportement est de plus en
plus favorisé avec l’augmentation de la pression sociale. La philopatrie, plus marquée chez les
femelles, se traduit par des groupes d’effectifs croissants composés d’individus apparentés.
La conséquence est une réduction de la taille du domaine vital, une diminution de l’agressivité
et une augmentation des contacts entre les individus.
Cette réorganisation sociale et spatiale en réponse à des variations de densité permet aux
populations de s’ajuster à leurs environnements.
Domaine vital
En automne hiver, mâles et femelles utilisent des domaines vitaux de taille similaires de l’ordre de
20 ha en milieu forestier et de100 à 150 ha en milieu agricole.
Ce sont essentiellement l’abondance et la répartition des ressources qui régissent l’occupation de
l’espace durant cette période.
Au printemps et en été le déterminisme de l’occupation de l’espace est plutôt dicté par des facteurs
sociaux.
Les mises bas qui ont lieu en mai et l’absence de mobilité des faons durant les premières semaines
de vie provoquent une réduction de la taille du domaine vital chez les femelles adultes.
L’augmentation progressive de la mobilité des faons en juillet et en août conduit alors à un domaine
vital plus étendu (quelques ha en mai juin à 20 ha en moyenne en juillet août).
Le brocard adulte est territorial de mars à fin août. Le territoire d’une surface de l’ordre de 35 ha est
délimité par des marquages visuels et olfactifs (grattis, frottis).
Reproduction
La maturité sexuelle est généralement atteinte à 12 mois pour le mâle et 14 mois pour la femelle
mais la masse corporelle conditionne également l’entrée en reproduction (environ 20 kg pour la
chevrette).
Le chevreuil est oligogame (1 mâle pour quelques femelles) et son système d’appariement repose
sur la territorialité.
L’espèce est mono-oestrienne. Une chevrette non fécondée lors de l’ovulation ne peut donc
retourner en chaleur suivant un cycle défini comme chez d’autres espèces.
L’ovo implantation différée ou diapause embryonnaire est une autre particularité de l’espèce. Après
fécondation, l’oeuf parvenu au stade blastula cesse tout développement pendant environ 170 jours.
La phase réelle de gestation commence fin décembre début janvier. Elle est de l’ordre de 130 jours.
La durée de gravidité est de 300 jours environ.
La période des mises bas s’étale du 1 mai au 15 juin. La synchronie des naissances est cependant
la principale caractéristique à retenir : 80% des jeunes naissent en 3 semaines soit entre le 15mai
et le 5 juin en forêt de plaine.
La taille de la portée est généralement de 2 faons. Elle peut atteindre 3 jeunes dans les milieux
particulièrement favorables. Ceci reste cependant fortement conditionné par le poids de la mère
(20 à 22 kg = 1 faon, 22 à 25 kg = 2 faons).
Survies
Une forte variabilité inter-annuelle de la survie juvénile dues à des facteurs densité dépendants
(saturation de l’habitat) et/ou des facteurs densité indépendants (conditions climatiques en
particulier) a été démontrée. Les taux de survies des faons varient de 30% à 85% selon le
printemps de naissance.
Les taux de survies des individus sub-adultes de 1 à 2 ans et des individus adultes sont élevés et
stables. Les valeurs sont de l’ordre de 85% pour les mâles et 95% pour les femelles. L’
apparition d’un phénomène de sénescence vers 7 ans provoque une chute de la probabilité de
survie après cet âge. Ceci est nettement plus marqué chez le mâle.
Le taux de multiplication annuel maximum biologique pour l’espèce est égal à 1.40. La saturation
du milieu provoque l’apparition de phénomènes de régulation (retard de l’âge de première
reproduction, diminution des taux de survies juvéniles, mortalités). Ces dysfonctionnements
démographiques affectent parfois très fortement la productivité des populations.
Le chevreuil européen occupe toute l’Europe dans une bande comprise entre 40° et 60° de
latitude Nord.
Espèce de lisière dotée d’une forte plasticité
écologique, le chevreuil occupe dorénavant
tous les milieux.
La forêt reste l’habitat privilégié. Elle
accueille les plus fortes populations à
l’exception de l’arc méditerranéen ou une
colonisation différentielle en fonction du
niveau de méditerranéité des communes a été
mise en évidence. Le chevreuil apparaît limité
par la sécheresse estivale caractéristique de
ces milieux.
L’espèce occupe les milieux intermédiaires
comme le bocage, les agrosystèmes avec des
taux de boisement parfois inférieur à 5% et
l’étage montagnard jusqu’à 2500m.
Les exigences du chevreuil par rapport à
l’habitat sont essentiellement déterminées par
un besoin de ressources alimentaires à haute
valeur nutritionnelle. Ceci est
particulièrement marqué pour les femelles en
fin de gestation et pendant la lactation.
La quantité, mais aussi et surtout la qualité
des ressources durant cette période
conditionnent en effet pour partie la survie
juvénile.
L’existence cryptique du faon de chevreuil
durant le premier mois de vie (80% du temps
couché) conduit à une forte sélectivité des
sites de repos.
Les types de milieu avec une forte couverture
végétale au sol sont très recherchés. Un
évitement des zones d’activité du sanglier par
les faons a été mise en évidence. Un tel comportement semble plus lié à la destruction
du couvert végétal consécutive à l’activité du
sanglier qu’à une réaction directe vis à vis de
celui-ci.
La sélection des sites de repos semble être une
réponse à des problèmes de thermorégulation.
Elle pourrait détermine directement la survie
des jeunes.
Espèce classée gibier soumise à plan de chasse obligatoire (Article 17 de la loi du 29 décembre 1978 – J.O du 30 décembre 1978).
L’effectif de chevreuils au niveau national est
de l’ordre de 1.500.000 têtes soit une
progression de 6.5 au cours des 20 dernières
années. Les populations les plus développées
se situent dans le quart nord-est (bas Rhin,
Moselle, Meuse) et le sud-ouest (Landes). La
dernière enquête relative au plan de chasse
effectuée pour la saison 2001-2002 indique un
prélèvement de l’ordre de 445.000 chevreuils.
( Réseau de correspondant « cervidéssanglier
» 2000)
L’augmentation des populations constatée a
été significative dans tous les départements.
Cependant une tendance à la saturation est
observée dans certains d’entre eux. C’est le
cas de la Lorraine et pour certains
départements de la France- comté et du sud
de la France.
Aucune menace ne pèse sur cette espèce. Cependant des aspects négatifs liés à l’abondance
apparaissent et ont tendance à se généraliser.
La sélectivité alimentaire de l’espèce conduit à une pression d’abroutissement orientée sur les
jeunes peuplements (plantations) et sur certaines essences forestières particulièrement sensibles
(fruitiers par exemple).
Des impacts répétés affectent le devenir des milieux en terme de productivité économique,
d’abondance et de diversité végétale et par voie de conséquence diminuent la performance
démographique des populations.
A noter l’absence de dégâts du chevreuil de plaine sur les cultures agricoles.
Mesures de gestion :
L’ intégration de l’espèce dans l’aménagement forestier est une démarche à développer.
Les pratiques sylvicoles visant à privilégier les régénérations naturelles, à maintenir une
végétation d’accompagnement et d’une manière générale à ouvrir les peuplements à la
lumière sont très favorables de même que les aménagements spécifiques bien intégrés
comme les prés bois, micro clairières, recépages de taillis etc.
Le développement croissant des infrastructures de transport routier et ferroviaire limite les
échanges entre les populations et pose le problème des collisions dont la fréquence montre une
forte corrélation avec l’augmentation des populations.
Mesures de gestion :
Le préalable en matière de gestion des problèmes de fragmentation des milieux consiste
à cartographier précisément quelques points essentiels à l’échelle départementale ou
régionale.
Les espaces de libre circulation fonctionnels et interrompus par un aménagement au
cours des 10 dernières années, les grands équipements linéaires existants et autres
obstacles (urbanisation, enclos, infra-structures) de même que les axes de déplacements
préférentiels des animaux doivent être clairement identifiés.
La phase d’intervention s’exerce simultanément sur la population et sur l’habitat. Une
réduction ponctuelle des effectifs peut tout à fait se justifier dans certaines zones
accidentogènes mais les actions visant à favoriser l’adaptation des animaux aux
contraintes environnementales doivent être favorisées.
La création de passages grande faune, l’aménagement des bords de routes (dégagement
des accotements, signalétique) ou encore les interventions sur la nature et la conduite des
peuplements forestiers et agricoles (limitation de la valeur alimentaire et de la valeur
refuge, orientation des cloisonnements) sont autant d’actions de nature à intégrer le
chevreuil dans l’aménagement du territoire.
Les maladies, notamment celles d’ordre parasitaires (strongylose, bronchite vermineuse)
apparaissent souvent dans des situations de déséquilibres entre la population et son habitat.
Elles se traduisent par une dégradation de la condition et de la constitution physique des
animaux et par des mortalités anormales parfois massives.
A noter cependant la spécificité parasitaire du chevreuil et le caractère limité des contaminations
croisées avec le bétail domestique.
Il faut également aborder dans ce chapitre un phénomène observé récemment dénommé «
mortalité anormale du chevreuil » ( MAC en abréviation).
Ce phénomène dont l’origine n’est pour le moment pas précisément identifiée est apparu dans
plusieurs régions de France en 1997. Il se caractérise par la survenue brutale d’une mortalité au
niveau d’un massif donné. La durée est généralement limitée à quelques mois durant lesquels les
chasseurs découvrent un nombre inhabituel de cadavres.
Mesures de gestion :
La réponse la mieux adaptée consiste à éviter les sur-effectifs et les concentrations
d’animaux.
Le respect de la capacité d’acceuil de l’habitat reste donc dans ce contexte la règle de
base.
Le gestionnaire portera également une attention particulière à la répartition des
ressources alimentaires, à la dispersion des aménagements artificiels (pierres à sel,
affouragements, etc.) ou la délocalisation périodique des réserves.
L’évolution des populations et de leurs habitats depuis les vingt dernières années montre
clairement la nécessité du suivre simultanément ces deux composantes.
Les indicateurs population-environnement, en décrivant l’évolution de l’équilibre forêt/gibier au
cours du temps constituent des outils d’aide à la décision pour la gestion sont présentés dans la
fiche technique ONCFS 70, 90, 91 et 95.
Différents méthodes basées sur l’observation directe des animaux sur l’analyse du tableau de
chasse ou sur le taux d’utilisation de la végétation forestière sont validées ou en voie de l’être.
Les conditions d’utilisation de ces différents outils doivent être appliquées rigoureusement.
Impact de l’environnement sur le succès reproducteur des chevrettes ; application à la
gestion des habitats pour le chevreuil ;
Détermination des critères de sélection de l’habitat par l’espèce en vue de la mise au point
de techniques d’intégration dans l’aménagement sylvicole ;
Mise au point de nouveaux indicateurs en complément de la panoplie d’outils existants ;
Recherche de méthodes basées sur le suivi de quelques unités de gestion représentatives au
niveau départemental.
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GAILLARD, J.M., DELORME, D., BOUTIN, J.M., VAN LAERE, G., BOISAUBERT, B., PRADEL, R., (1993) - Roe
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GAILLARD, J.M., DELORME, D., VAN LAERE, G., DUNCAN, P., et LEBRETON, J.D. (1997) - Early survival in roe
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MORELLET, N., (1998) - Des outils biométriques appliqués aux suivis des populations animales : l’exemple des
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ONCFS - Fiche technique N° 70 : Méthodes de suivi des populations de chevreuils en forêt de plaine : Exemple :
L’indice kilométrique (IK). Supplément au bulletin mensuel N° 157. mai 1991.
ONCFS - Fiche technique N° 88 : Pathologie du chevreuil : 1.causes de mortalités, pathologies non infectieuses, maladies
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ONCFS - Fiche technique N° 89 : Pathologie du chevreuil : 2. Maladies parasitaires. Supplément au bulletin mensuel N°
205. novembre 1995.
ONCFS - Fiche technique N° 90 : Les bio-indicateurs : Futurs outils de gestion des populations de chevreuils.
Supplément au bulletin mensuel N° 209. mars 1996.
ONCFS - Fiche technique N° 91 : Un indicateur biologique fiable : La masse corporelle des jeunes chevreuils.
Supplément au bulletin mensuel N° 209. mars 1996.
ONCFS Fiche technique N° 95 : La gestion des populations de chevreuils par l’utilisation d’indicateurs populationenvironnement.
Supplément au bulletin mensuel N° 244. mai 1999.
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ONF (1999) - Guide technique. Gestion des populations de cervidés et de leurs habitats
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