Oryctolagus cuniculus
Classe des Mammifères
Ordre des Lagomorphes
Famille des Léporidés
Par Stéphane Marchandeau
Le Lapin de garenne est un mammifère de taille moyenne ne présentant pas de dimorphisme sexuel.
En nature, les jeunes peuvent être différenciés par la taille jusqu’à l’âge de trois mois environ. Jusqu’à
l’âge de sept mois environ ils présentent un épaississement de l’épiphyse inférieure du cubitus qui se
détecte par palpation. Sur animaux morts, la pesée du cristallin permet de distinguer les jeunes des
adultes.
Le lapin peut être confondu avec le lièvre. Toutefois ce dernier est plus grand et plus gros, a des
pattes plus longues et des oreilles plus longues avec les extrémités noires.
Organisation sociale
L’espèce est organisée en groupes sociaux. Au sein de chaque groupe, les mâles et femelles dominants
assurent la majorité de la reproduction. Un groupe social est composé en moyenne de 5-7 individus (2
à 10 généralement) vivant dans une ou plusieurs garennes. Un ensemble de groupes sociaux constitue
une colonie. Généralement les membres d’une colonie partagent les même sites de gagnage.
Régime alimentaire
Le Lapin est un herbivore opportuniste. Il peut consommer toutes sortes de végétaux, y compris des
écorces d’arbres ou des semi-ligneux tels que la ronce, ajoncs ou bruyères, mais sa préférence va pour
les graminées et les légumineuses. Il digère ses aliments en deux fois, c’est la caecotrophie. Une
première digestion aboutit à la production de crottes molles, les caecotrophes, qui sont réabsorbées et
transitent donc une seconde fois dans le tube digestif. Cela lui permet de tirer le meilleur profit d’une
alimentation de faible valeur alimentaire.
Activité
Le lapin a une activité essentiellement crépusculaire et nocturne. C’est à ce moment qu’il s’alimente et
qu’il exerce ses activités sociales basées sur le contact avec ses congénères. Le jour il est peu actif et
reste généralement dans son terrier ou abrité dans des gîtes confectionnés dans des herbes hautes ou
buissons. La taille des domaines vitaux est très faible et varie généralement de 500 m² à 5 ha.
Reproduction et survie
Les premières naissances ont lieu dès janvier dans le sud de la France, alors qu’elles n’apparaissent
qu’en février-mars dans le nord. La durée de la saison de reproduction est déterminée par la qualité de
la nourriture, et notamment le taux de protéines dans l’alimentation. L’apparition de la sécheresse
estivale est donc le facteur clé conditionnant la fin de la saison de reproduction. C’est ainsi que la
reproduction se termine généralement en juin dans le sud de la France alors qu’elle peut se poursuivre
jusqu’en septembre-octobre dans le nord. Les jeunes nés tôt en saison peuvent entrer en reproduction
l’année de leur naissance.
Les jeunes naissent nus et aveugles dans un terrier appelé rabouillère après une gestation d’environ 30
jours. Les femelles mettent au monde chaque année de 15 à 25 petits en 3 à 5 portées. Cette forte
productivité est compensée par une forte mortalité juvénile puisque seuls 5 à 6 jeunes parviennent à
l’âge adulte. Les principales causes de mortalité des jeunes sont les noyades dans les nids dues à de
fortes précipitations, la prédation et les travaux agricoles qui détruisent un grand nombre de
rabouillères et les maladies (myxomatose, VHD et coccidiose) qui peuvent causer de fortes pertes
chez les jeunes.
Le taux de survie annuel est en moyenne de 50 % chez les adultes et de 20 % chez les juvéniles.
Toutefois, le lapin est une espèce à dynamique instable et on enregistre une grande variabilité du
succès de la reproduction et des taux de survie annuels.
D’origine méditerranéenne, le lapin a été introduit depuis l’époque romaine jusqu’au Moyen Age dans
la plupart de nos régions. Il est présent sur l’ensemble de la France, à l’exclusion des montagnes au dessus
de 800 - 1 000 m d’altitude. Toutefois, dans certaines situations particulières liées notamment à
l’ensoleillement, on peut le trouver jusqu’à 1 400 m. Sa présence est limitée dans les grands massifs
forestiers et dans les zones d’agriculture intensive. Il affectionne les milieux diversifiés où couverts et
zones ouvertes se juxtaposent harmonieusement. On le trouve dans tous types de milieux, aussi bien
dans les bocages de l’ouest de la France que dans les garrigues méditerranéennes ou en bordure des
villages pourvu que couverts et zones ouvertes s’y côtoient. En revanche, il a tendance à disparaître
des secteurs où le milieu se ferme.
Le lapin est présent sur l’ensemble du territoire national, à l’exception des grands massifs forestiers
de l’est et des zones de montagne dont l’altitude dépasse 800 - 1 000 m.
Le Lapin est à la fois un gibier très prisé des chasseurs et un animal susceptible de commettre
d’importants dégâts aux cultures et plantations forestières. A ce titre il bénéfice en France d’un statut
de gibier ou d’espèce nuisible selon le lieu. Le classement nuisible est généralement communal mais il
existe des cas où il n’intervient que sur une partie d’une commune pour protéger un massif forestier
par exemple.
Elles sont assez peu nombreuses et concernent essentiellement la limitation de la période de chasse là
où l’espèce est classée gibier. La réglementation diffère selon les départements.
Tendance des effectifs
Les effectifs sont globalement en forte baisse depuis plus de 25 ans. Les prélèvements par la chasse
étaient de 13,5 millions en 1974/1975, 6,4 millions en 1983/1984 et 3,2 millions en 1998/1999.
Menaces
La chasse : les chasseurs vivent toujours sur le mythe d’une espèce abondante et surtout prolifique.
Bien que cet a priori tende à régresser, les mesures de gestion cynégétique de l’espèce restent peu
nombreuses.
La prédation : comme pour toutes les espèces, la prédation peut jouer un rôle majeur sur les
populations fragiles, ce qui est le cas des populations en cours d’implantation ou de réimplantation, ou
des populations ayant subi de fortes épidémies. Certaines études suggèrent que la prédation puisse
être pour partie responsable du maintien des populations à un faible niveau suite à un brusque déclin
provoqué par des épidémies. Le lapin figure parmi les principales proies de nombreux prédateurs
terrestres tels que le renard, le putois, la fouine et la martre. C’est aussi une proie préférentielle de
certains rapaces tels que le hibou grand-duc dont l’activité nocturne coïncide avec celle du lapin.
Enfin, notons que la régression des populations d’aigle de Bonelli est pour partie attribuée à la baisse
des effectifs de lapins dans le sud de la France. La reconstitution de populations de lapins fait partie
des axes retenus pour sauvegarder l’aigle de Bonelli en France.
Les pathologies : c’est le facteur sur lequel l’attention se focalise le plus. Les trois principales
pathologies affectant le Lapin sont la myxomatose, la VHD (viral haemorrhagic disease) et la
coccidiose. Dans l’ouest de la France, ces trois pathologies interviendraient dans des proportions à peu
près identiques. L’impact de la coccidiose en nature est assez peu documenté. La myxomatose et, dans
une moindre mesure, la VHD ont été plus étudiées. Si l’impact de la myxomatose est aujourd’hui
moindre que ce qu’il était lors de son introduction en 1952, celui de la VHD peut être très fort.
Certaines populations soumises conjointement à ces deux maladies peuvent enregistrer des mortalités
annuelles de l’ordre de 80-90 % chez les adultes et plus de 95 % chez les jeunes. Toutefois, certaines
populations de taille importante semblent peu affectées par ces maladies. Dans ces populations, il
semble qu’une circulation efficace des virus entraîne une forte immunité les préservant de fortes
épidémies.
La structure de l’habitat : c’est probablement le principal facteur limitant de la dynamique de
populations de l’espèce. Il pourrait intervenir à deux niveaux. Tout d’abord d’un point de vue purement
démographique. En une cinquantaine d’année, nous sommes passés d’une situation où le Lapin était
présent presque partout et en relative abondance (métapopulation), à une nouvelle situation où
l’espèce est confinée dans des poches plus ou moins isolées les unes des autres là où le milieu est resté
favorable et où sa présence est tolérée par le monde agricole (population fragmentée). Dans une
population fragmentée, la probabilité d’extinction d’un noyau isolé est forte et augmente lorsque le
degré d’isolement croît et que la taille du noyau diminue. Les populations actuelles présentent donc un
handicap démographique par rapport aux populations anciennes. Le deuxième niveau auquel la
structure de l’habitat intervient concerne la myxomatose et la VHD puisque les petits noyaux de
population semblent généralement plus sensibles aux maladies que les grosses populations.
La qualité de l’habitat : l’évolution du paysage rural a conduit à deux grandes évolutions opposées
mais ayant le même impact défavorable sur les populations de Lapins. Il s’agit d’une part des zones
où l’agriculture s’est intensifiée, avec agrandissement de la taille moyenne des parcelles, destruction
des haies et bosquets qui constituaient des refuges pour le Lapin et mise en place de cultures très
sensibles aux dégâts. Ces milieux sont peu hospitaliers et le Lapin n’y est pas toléré en raison des
dégâts qu’il y occasionne. A l’inverse, il y a des zones où l’agriculture a disparu. Le milieu s’est fermé
et le Lapin ne peut plus y vivre.
Propositions relatives à la chasse
Encourager la mise en place de mesures de limitation des prélèvements là où les populations ne
commettent pas de dégâts. L’adoption de PMA peut être ainsi préconisée.
Préconiser la limitation des périodes de chasse là où l’espèce est classée gibier. Compte-tenu de nos
connaissances sur le déroulement de la reproduction, une fermeture vers la mi-décembre dans la
moitié sud et vers la fin décembre dans la moitié nord peut être proposée.
Interdire les modes de chasse sélectionnant le tir des adultes dominants est une mesure
complémentaire intéressante. Il s’agit de la chasse au furet et du tir à l’affût auprès des terriers.
Propositions relatives au biotope
Dans les secteurs touchés par la déprise agricole, l’entretien d’ouvertures de milieu permet d’entretenir
une diversité paysagère et des zones d’alimentation favorables au maintien de l’espèce.
L’aménagement de réseaux de garennes artificielles dans les secteurs restés favorables à l’espèce
donne de bons résultats pour développer ou implanter une population.
Dans tous les cas, l’assentiment des agriculteurs doit être recherché avant la mise en oeuvre de toute
opération destinée à accroître l’abondance du Lapin. Une cartographie des zones les plus favorables à
cette démarche peut être réalisée.
Renforcement ou reconstitution de populations
L’amélioration des techniques de repeuplement fait l’objet d’un important programme de recherche
depuis 1996. Il est maintenant possible de proposer des techniques de repeuplement maximisant les
chances de survie des animaux introduits en utilisant des parcs de pré-lâcher et en lâchant en été de
jeunes animaux après avoir aménagé les secteurs de lâcher par la construction de garennes artificielles
et réduit l’abondance des prédateurs potentiels. Toutefois, il va de soi que la survie est avant tout
conditionnée par la qualité du milieu d’accueil : sols profonds, présence de prairies rases et de
couverts bas.
La question prioritaire est de savoir à quelle échelle il faut gérer les populations. Il s’agit de
déterminer les conséquences de la fragmentation des populations sur la dynamique de populations, en
relation avec les caractéristiques intrinsèques de l’espèce : survie et dispersion notamment. L’autre
approche est de déterminer les caractéristiques d’une population qui font que la myxomatose ou la
VHD deviennent endémiques et ont un impact moindre sur les populations.
Une meilleure compréhension du fonctionnement de la VHD et de la coccidiose sont également
nécessaires pour mieux prendre en compte leur rôle dans la dynamique de populations.
En ce qui concerne les repeuplements, les facteurs conditionnant la survie d’animaux introduits
commencent à être assez bien connus. En revanche, l’impact à long terme de ces opérations reste à
documenter.
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