Alectoris rufa
Classe des Oiseaux
Ordre des Galliformes
Famille des Phasianidae
Par F. Ponce-Boutin
Avec les remerciements pour leurs critiques à F. Biadi, F. Reitz, J.F. Mathon, J.B. Puchala
Caractères généraux
La Perdrix rouge est un galliforme de taille moyenne, pesant en moyenne 400 g pour la
poule, 480g pour le mâle. Longue de 32-34 cm, son envergure est de 47-50 cm. Le plumage est similaire
pour les deux sexes Elle se caractérise par une bande frontale noire, fine, qui
s’étend autour de l’oeil et forme un collier autour de la gorge, puis se termine en un large bavoir de
taches noires ; les flancs sont gris-lavande, barrés verticalement avec des lignes blanches, noires et
noisette. Le bec, le cercle orbital et les pattes sont rouge vermeil.
Reconnaissance du sexe
En nature, quand les perdrix sont en couples, les deux sexes se distinguent par la taille, le
mâle étant plus grand que la femelle. Chez l’adulte, la présence d’un ergot sur chacune des pattes
caractérise le mâle ; l’absence d’ergot sur une ou les deux pattes peut faire conclure à une femelle.
Pour la distinction des sexes en main, on peut se reporter à la plaquette perdrix rouge.
Reconnaissance de l’âge
En nature, les jeunes peuvent être distingués des adultes et des sub-adultes jusqu’à l’âge de
3 mois environ. En main, on peut déterminer assez précisément l’âge des jeunes de l’année jusqu’à
ce qu’ils aient 130 jours ; il est encore possible de les distinguer des adultes jusqu’au début de l’automne
suivant (1ère et 2ème rémiges primaires pointues avec une tache blanche sur la pointe).
On distingue trois
sous-espèces : la sous-espèce
française (A.r.rufa), celle du
nord-ouest de l’Espagne et du
Portugal (A.r.hispanica), plus
sombre, plus lie-de-vin et plus
grise et la sous-espèce de la
plupart de l’Espagne (A.r.
intercedens), plus pâle que les
deux autres. Visuellement,
la Perdrix rouge peut
être confondue avec la Perdrix bartavelle (Alectoris graeca) ou la Perdrix choukar (Alectoris chukar). La première s’en distingue
par son collier noir sans échancrures et deux barres noires sur les plumes des flancs (une seule
chez la rouge). Cependant, il est improbable de confondre ces trois espèces sur le terrain car leurs
aires de répartition sont distinctes, exception faite de A. rufa et A. graeca dont les aires
se chevauchent partiellement dans les Alpes, donnant des hybrides féconds appelés perdrix rochassières
(Alectoris graeca saxatilis).
Par contre, il est possible de rencontrer la Perdrix rouge en présence de la Perdrix grise
(Perdix perdix) sur le tiers centre de la France. Il est néanmoins facile de les distinguer.
Régime alimentaire
Des analyses réalisées en France et à l’étranger montrent que les jeunes consomment beaucoup
plus d’arthropodes que les adultes. Ce sont principalement des fourmis mais aussi des opilions,
araignées et coléoptères. L’alimentation végétale est composée surtout de graminées
(céréales y compris) auxquelles s’ajoutent papilionacées, composées et, pour les adultes, de la vigne
en automne. Une préférence de l’espèce pour les graminées est très probable.
Activité
La Perdrix rouge est une espèce sédentaire. Dès le début de l’automne, les oiseaux se rassemblent
en groupes, dont on admet qu’ils sont composés d’un des parents ou des deux et de leurs
jeunes de l’année auxquels se joignent des adultes sans jeunes. Ces groupes se dissocient dès le
mois de février dans le Sud et les couples se forment. C’est la pleine période du chant, prélude à la
reproduction. Lorsque commence la ponte, les observations d’individus isolés deviennent progressivement
plus fréquentes que celles de couples. Puis, au fur et à mesure des éclosions, apparaissent
des compagnies formées souvent de un ou deux adultes et des jeunes de l’année.
En hiver, le domaine vital des groupes d’oiseaux est très variable ; la superficie moyenne
oscille autour de 30 ha. Il se réduit en période de reproduction, atteignant entre 4 et 6 ha pendant
l’incubation. Après les éclosions et jusque environ 9 semaines, la zone d’activité des nichées est en
moyenne de 5 ha.
Les perdrix passent la nuit dans un dortoir situé à même le sol. Du début du printemps à
l’automne, elles sont surtout actives au lever du jour et au coucher du soleil (alimentation, chant,
…). Le reste de l’année, le pic d’activité est atteint en milieu de journée.
Reproduction et survie
Chez la Perdrix rouge, la reproduction commence dès le mois de février dans le sud de la
France, par la formation des couples. Les pontes débutent en avril, dans un nid situé à
même le sol, dans une dépression de 20 cm de diamètre, garnie de végétaux et de plumes. Les
oeufs, blancs-jaunâtres, tachetés de brun-rouge ou de gris, mesurent environ 3 cm x 4 cm et pèsent
en moyenne 18 g. Ils sont au nombre de 12 en moyenne, que la femelle dépose au rythme moyen
de un oeuf toutes les 36 heures. Il arrive que la poule ponde un deuxième nid (dans 20 à 40% des
cas en Angleterre selon POTTS), de même taille (double nidification). L’incubation commence après la ponte du dernier oeuf, par le mâle pour le premier nid, par la femelle pour le second. Elle
dure 23 – 24 jours. Lorsque la première ponte est détruite pendant son incubation, la poule peut
faire une ponte de remplacement dite de recoquetage ; elle est en moyenne de 8 oeufs.
En France, les éclosions (environ 90% des oeufs éclosent) peuvent s’étaler de fin mai à fin
août, avec un pic entre fin juin et début juillet. Les jeunes sont précoces et nidifuges mais ont besoin
de leurs parents (réchauffement, apprentissages) dans leurs premières semaines de vie. Ils sont
capables de voler à l’âge d’environ deux semaines mais restent avec leurs parents tout leur premier
hiver. Ils atteignent la taille adulte au plus tôt vers l’âge de 10 semaines.
Les données sur la survie dans la littérature sont rares et les valeurs citées très variables. Le
fait que la survie diffère peu entre deux territoires proches géographiquement et qu’elle fluctue
d’une année sur l’autre laisse soupçonner une influence des conditions météorologiques.
Une étude est en cours afin de préciser ce paramètre démographique (selon les saisons, l’âge de
l’oiseau) basée sur la capture, le marquage avec des émetteurs et le suivi d’adultes et de jeunes de
perdrix rouges sur trois sites très différents de la région méditerranéenne. Les premiers essais de
modélisation montrent que les paramètres de survie des jeunes oiseaux jouent un rôle prédominant
sur la dynamique des populations de perdrix rouges.
« La Perdrix rouge aime surtout les lieux secs et ensoleillés de basse et moyenne altitude,
où l’hiver est assez doux et qui présentent une végétation buissonnante de faible hauteur coupée de
surfaces découvertes » : zones vallonnées avec polyculture de céréales, prairies, entrecoupées de
friches, haies, bosquets dans le Centre et la Dordogne, champs, vignes, oliveraies proches de friches
ou buissons ou écotones cultures-garrigue en région méditerranéenne, landes à salicornes en
Camargue ; par contre, elle fuit les milieux trop fermés comme les bois ou maquis denses.
Le suivi de divers types d’aménagements en régions de collines et de plaines méditerranéennes
et de leurs liens avec la biodiversité (passereaux) et la présence de Perdrix rouge montrent
l’importance pour celle-ci de la présence de graminées et plus généralement d’un fort recouvrement
herbacé. A l’occasion du suivi télémétrique d’oiseaux marqués, la description des habitats
fréquentés par rapport à ceux existants complètera nos connaissances en la matière.
Les nids de Perdrix rouge sont installés à couvert dans la majorité des cas, soit dans des
cultures (prairies de graminées, vignes, céréales), soit dans une végétation basse (inférieure à 2
m), sous des plantes piquantes, des buissons ou des graminées : haies, de préférence de type
arbustive-herbacée, garrigue, champ abandonné.
La Perdrix rouge est une espèce méditerranéenne, endémique dans le sud-ouest de l’Europe.
Les trois quarts des effectifs nichent dans la péninsule ibérique et dans les îles Baléares ; le
reste occupe la France continentale, la Corse et le nord de l’Italie. Elle fut introduite avec succès
en Grande-Bretagne en 1673 et en 1790, ainsi qu’aux Açores, à Madère et dans les îles Canaries.
Aire de répartition de l’espèce en France et
état des populations
La répartition de la Perdrix rouge en
France est limitée au nord par l’isotherme 8°C
en mars et à l’est par celle de 2°C en janvier. L’espèce est quasi-absente au-dessus
de 1 200 m d’altitude. L’abondance
et la généralisation des lâchers rendent
difficiles une évaluation objective de sa distribution
à partir des prélèvements. A partir des
données d’une enquête communale réalisée en
1999, REITZ mentionne que la Perdrix rouge
est quasiment absente au nord et à l’est d’une
ligne reliant le Mont Saint-Michel à Paris, Dijon,
Lyon et Briançon, ainsi que de l’ouest du
Massif Central et de la pointe de la Bretagne.
Les communes où elle est présente sans lâcher
se trouvent principalement dans la partie est
des Pays de Loire jusque dans l’ouest et le sud
de la Champagne. Ailleurs, elle est présente
mais le plus souvent avec des lâchers.
Les densités en Perdrix rouge sont très
variables. Elles sont fonction de la nature du
terrain, des ressources qu’il offre, du climat et
de la pression de chasse. Egale à moins de 4
couples / 100ha en moyenne montagne, collines
méditerranéennes faiblement cultivées, la
densité au printemps avoisine les 10-15 couples
/ 100ha en zones cultivées ou aménagées
bien gérées. 5 couples / 100 ha constitue une
densité moyenne et elle peut dépasser 25 couples
/ 100 ha.
Espèce très ubiquiste, la perdrix rouge recherche les milieux diversifiés qui peuvent lui apporter
à la fois couvert pour se protéger et nicher et nourriture. Des territoires qui se jouxtent, différents
de par leur assolement et/ou la gestion cynégétique qui y est pratiquée, peuvent présenter
des densités très différentes. En 1998, les régions les plus densément peuplées sont devenues
le Centre, les Pays de Loire, le Poitou-Charente et le Languedoc-Roussillon.
En France, la Perdrix rouge figure en tant que gibier sédentaire dans l’arrêté ministériel du
26-06-1987. Elle peut être chassée soit à tir avec arme à feu ou à l’arc, soit au vol. Elle peut également
être élevée en captivité à des fins commerciales ; son élevage est soumis à autorisation administrative
(CHARLEZ com. pers..). Les lâchers sont autorisés.
La perdrix rouge peut être chassée de l’ouverture en septembre à la fermeture. Cependant,
dans la plupart des départements, la période de chasse est limitée et se termine le plus souvent en
novembre (dans les départements méditerranéens concernés, la chasse de la perdrix rouge est
interdite dans les vignes jusqu’à la fin des vendanges). En outre, le Préfet peut en limiter la chasse
à certains jours par semaine et, les jours autorisés, en limiter les heures de chasse. L’espèce peut
faire l’objet d’un plan de chasse pour tout ou partie d’un département et, depuis 1986, elle fait
l’objet de plans de gestion cynégétiques approuvés à l’initiative des GIC (CHARLEZ com. pers.).
Des limites peuvent être mises en place par les sociétés en fonction des conditions
hivernales ou du succès de la reproduction l’année précédente et en cas de repeuplement. Il
n’existe pas d’obligation en la matière pour la perdrix rouge. La limitation du nombre de jours de
chasse est la méthode de gestion la plus répandue ; celle des prélèvements est fréquente pour la
Perdrix rouge dans le Centre et en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ces deux précédentes
mesures concerneraient 1/5éme des populations de Perdrix rouges. Les autres modes de gestion
utilisés pour l’espèce concernent moins de 2 communes sur 5. Il s’agit des PMA, de la limitation
du nombre de jours de chasse de plus de 10 jours ou de règlements intérieurs de GIC ou sociétés
de chasse ou la mise en place de réserves, obligatoire en cas d’A.C.C.A. (10% de la surface).
Tendance des effectifs
Au milieu du 19ème siècle, les Perdrix rouges étaient abondantes. Un maximum semble
avoir été atteint à l’été 1858 avec 20 millions de Perdrix grises et rouges confondues en France. Ensuite,
le défrichement des landes réduisit de plus en plus les domaines de l’espèce et le braconnage
a fait passer les perdrix à l’état de mythe dans 40 départements du midi et de l’est. Entre août 1858
et octobre 1862, des circonstances climatiques exceptionnelles font qu’elles deviennent rares.
Au cours des années 1900, on observe un recul géographique de l’espèce en même temps
qu’une diminution constante des effectifs dans les départements où elle était la plus abondante. La
Perdrix rouge est en voie de disparition (moins de 1 couple / 100ha) dans 99 régions agricoles sur
le tiers de son aire ; partout ailleurs, les populations sont en baisse. Le prélèvement moyen était de
11,5 perdrix / km² en 1974-1980, soit à peine 1/3 des prélèvements de la décennie 1960-1970.
Aujourd’hui, la population de Perdrix rouges en France est estimée à 300.000 couples nicheurs
au printemps.
Evolution de sa répartition en France
Depuis quatre siècles, la répartition de la Perdrix rouge se caractérise par un retrait vers le
sud-ouest de plusieurs centaines de kilomètres, avec l’abandon des stations à climat continental situées
en bordure NE de son aire de répartition. On n’observe pas de diminution importante de la
distribution de l’espèce entre les deux enquêtes sur les oiseaux nicheurs en France. Elle ne niche
plus à l’est des départements de la Côte d’Or et de l’Ain ni en Savoie, mais elle a progressé au nord
et sa reproduction a été nouvellement prouvée dans la plupart de son aire de répartition continentale
et en Corse.
Statut de conservation
La Perdrix rouge est une espèce endémique dans le sud-ouest de l’Europe à statut de conservation
défavorable. La France abrite moins de 20% de la population totale. Elle est inscrite aux Annexes
II et III de la Directive Oiseaux et à l’Annexe III de la Convention de Berne.
La Perdrix rouge est vulnérable et ses populations en déclin. Le niveau actuel des populations
est très préoccupant d’autant qu’il est très incertain car les seules estimations à notre disposition
à l’échelle de la France sont les prélèvements, inutilisables du fait de la présence de lâchers.
Problèmes rencontrés par l ‘espèce
la chasse :
Le prélèvement est estimé à 1.166.000 pour la saison cynégétique 1983-84. Des Perdrix
rouges ont été prélevées dans presque tous les départements, même en dehors de l’aire de répartition
naturelle de l’espèce. Les tableaux les plus importants sont réalisés dans les régions réputées
les plus favorables : sud-est, vallée de la Garonne, Centre-ouest et Pays de Loire. La perdrix rouge
arrive en 11e position pour le tableau réalisé par espèces ou groupes d’espèces.
Quinze ans plus tard, durant la saison cynégétique 1998/1999, le prélèvement de Perdrix
rouges a été estimé à 1.732.000 oiseaux. La Perdrix rouge se place en 3e position en terme de prélèvement
parmi les espèces de petit gibier sédentaire, au 5e rang par rapport à toutes les espèces enquêtées.
Les régions de prédilection restent les mêmes mais le prélèvement a augmenté sur presque
toute la France (hormis l’extrême nord-est du pays). Elle intéresse plus de 28% des chasseurs. En
moyenne, 4,1 Perdrix rouges ont été tuées par chasseur en ayant prélevé. La Perdrix rouge est un
gibier de plus en plus en faveur, à la fois géographiquement que numériquement. L’accroissement
du tableau a été plus important hors de la zone de présence naturelle de l’espèce. Il semble évident
que les prélèvements reflètent plus l’abondance des lâchers que l’état des populations sauvages.
les lâchers :
On observe à la fois une extension géographique des lâchers de Perdrix rouge, jusque dans
les zones où elle n’existe pas naturellement, et une augmentation des effectifs. Contre 37 départements,
tous situés dans la zone de répartition naturelle de l’espèce en 1984, ils concernent au
moins 73 départements en 1998. Le nombre de Perdrix rouges lâchées annuellement en France a
augmenté de 400.000 en 1970 et 1975 à 800.000 10 ans plus tard. En 1996, l’estimation serait de
2.5 millions d’oiseaux.
Trois types de lâchers se pratiquent en France :
lâchers de repeuplement en été : Leur objectif est de renforcer ou réinstaller une population disparue
ou très faible.
lâchers de tir : Ils consistent à lâcher des oiseaux d’élevage en été, avant l’ouverture de la chasse
ou en période de chasse dans le but de maintenir ou d’accroître les possibilités de prélèvement à
court terme.
lâchers de printemps : Il s’agit de lâchers d’adultes en mars le plus souvent. La survie des oiseaux
jusqu’à l’été ou l’automne suivant est faible, moindre que pour les lâchers d’été.
L’objectif de ces lâchers est de maintenir une activité de chasse plus motivante pour les
chasseurs. Cette technique hypothèque les opérations de repeuplement et accélère la chute des populations
naturelles (BIADI com.pers.). Si l’essentiel de ces oiseaux est tué dans les premières semaines
de chasse (voir figure), des perdrix « sauvages » sont également prélevées et ce en proportion
croissante au cours de la saison. Il est donc faux de dire que « les lâchers protègent les sauvages
». Cette croyance peut être dangereuse car elle peut encourager à prolonger la saison de
chasse.
Les oiseaux de tir constituent des proies faciles et très abondantes, susceptibles de concentrer,
fixer, voire d’augmenter localement le cortège des prédateurs qui ensuite restent, alors que ces
perdrix ont disparues. Le suivi télémétrique, qui concerne également des oiseaux issus de lâchers,
nous permettra de mieux cerner leur impact sur les populations existantes.
Enfin, ces pratiques rendent presque impossible le suivi de l’évolution de la population
française de Perdrix rouge à partir des prélèvements. Le risque n’est pas nul que l’espèce à l’état
sauvage disparaisse sans que l’on s’en aperçoive.
l’agriculture (les techniques culturales, la déprise)
Le remarquable accroissement de productivité de l’agriculture française et son intensification
ont dégradé bon nombre d’habitats pour la Perdrix rouge. Les terres les moins rentables ont
été abandonnées par la culture, l’exploitation forestière ou l’élevage ; elles se sont refermées, uniformisées,
diminuant leur capacité d’accueil pour la perdrix. Plus de la moitié du territoire national
est touché par cette régression de l’agriculture. L’intensification agricole s’est accompagnée de
l’usage de produits phytosanitaires, détruisant les arthropodes dans les cultures et les adventices
dans les vignobles ou les vergers, ainsi que du remembrement qui, depuis 1950, a supprimé bon
nombre de haies (elles sont passées de 3 millions de km en 1930 à 1 million de km en 1980). Les
débroussaillements mécaniques et autres travaux agricoles sont responsables de la destruction de
nombreux nids.
la prédation :
La perdrix rouge est la proie de prédateurs variés, autant terrestres qu’aviens, classés nuisibles ou
protégés : renard, fouine, hérisson, blaireau, pies, reptiles mais aussi chat et chien, dont on sousestime
sans doute l’impact. BRUN estime à 3% le taux de pertes par prédation sur 385 nids découverts
dans le centre et l’ouest de la France. RICCI et al. ont mesuré par télémétrie des taux de prédation
sur des nids bien supérieurs mais une partie des oiseaux suivis étaient munis de ponchos. Ils
sont proches du taux de 49% de nids détruits par prédation mesurés dans le centre de la France sur
39 nids.
les conditions météorologiques
Il est probable que les conditions météorologiques soient responsables, au moins en partie, des variations
de densités observées. Les violents orages en période d’éclosions peuvent avoir des conséquences
dramatiques sur la survie des poussins.
le dérangement
La Perdrix rouge semble tout à fait pouvoir s’habituer à de forts dérangements. Les densités observées
sur l’île de Porquerolles (plus de 20 couples / 100ha), où la fréquentation humaine est très importante,
surtout en période de nidification, en sont la meilleure preuve. Il est peu probable qu’il
puisse avoir un impact sur le succès de la reproduction si les nichées ont du couvert à disposition.
Par contre, la divagation de chiens errants ou accompagnant en toute liberté les promeneurs lui
sont préjudiciables, surtout en période de reproduction.
pathologie
En élevage, les Perdrix rouges sont très sensibles à certaines maladies parasitaires (coccidiose, histomonose)
ou bactériennes (mycoplasmose). En nature, on n’a pas eu connaissance de maladie
spécifique.
Propositions relatives au biotope et au dérangement
Il apparaît qu’un aménagement judicieux introduisant une diversité dans un habitat peut favoriser
la perdrix : cultures à gibier au sein de friches, cultures (céréales) dans des milieux peu
cultivés. Le cahier technique en cours d’élaboration conseillera, après les avoir testés, sur les aménagements
les plus pertinents à réaliser en fonction du type de formation végétale et d’habitat
considéré. Ces aménagements ne semblent pas influer sur les densités. Par contre, il a été observé
un succès de la reproduction, supérieur sur une zone aménagée par rapport à une autre qui ne l’a
pas été.
L’objectif est de fournir à l’oiseau des secteurs de taille suffisante (2.000 m² semble être un minimum) offrant à la fois couvert et nourriture, surtout afin d’éviter aux jeunes perdreaux non volants
(deux premières semaines de vie) de s’exposer aux prédateurs en devant sortir à découvert ;
pour cette raison, ces secteurs peuvent être discontinus à la condition qu’ils soient reliés par des
cordons de végétation offrant une protection visuelle contre les prédateurs. Suite à des essais de
culture réalisés à Pailhès (Hérault), nous recommanderons de semer un mélange de céréale (blé,
avoine), de fétuque élevée et de légumineuse (luzerne, vesce) fournissant couvert, richesse en insectes
et graines. L’importance des graminées dans le régime alimentaire de la perdrix plaide pour
un encouragement à l’enherbement des vignes et vergers. Les postes d’agrainage, bien que fréquentés
quand ils sont placés dans des zones favorables (ils n’ont pas d’effet attractif) n’influent
pas sur les densités.
La promotion d’une agriculture respectueuse de l’environnement (réduction de l’emploi
des pesticides et préservation des haies) ne peut qu’être favorable. Une solution intermédiaire
consiste à ne pas traiter une bande de 5 m, en bordure des parcelles. Il est nécessaire de maintenir
des activités agricoles et/ou pastorales dans les zones marginales (collines, secteurs en déprise).
Il est également recommandé de ne pas broyer des friches ou entretenir des haies entre fin
mars et fin juillet.
Propositions relatives à la chasse
Tout prélèvement devrait se faire dans l’esprit de la gestion durable des populations. La
pression de chasse doit s’adapter aux évolutions des populations suite aux modifications de leurs
habitats. Ceci implique de les connaître et de suivre leur évolution. Plusieurs méthodes d’estimation
des densités au printemps et du succès de la reproduction en été sont disponibles. Les protocoles
sont disponibles à l’ONCFS. L’analyse de ces données permet le calcul du prélèvement réalisable
dans un objectif donné de niveau de densité. Celui-ci sera choisi égal à 70-80% de la densité
maximale possible sur le territoire, car le succès de la reproduction semble au moins en partie dépendant
de la densité. La pression de chasse est plus déterminante sur les densités que la technique
utilisée.
La gestion de prélèvements doit se faire à l’échelle de la structure de chasse (ACCA, société).
Même dans le cas d’un GIC, on recommandera de gérer les populations de perdrix à l’échelle
de la commune.
Cas des lâchers
Malgré des lâchers massifs et répétés, les populations de Perdrix rouge ont dramatiquement
décliné en Provence. L’existence des lâchers de tir rend encore plus difficile et contraignante la
gestion des populations mais elle n’est pas impossible. Elle est même indispensable pour le maintien
des populations. Seuls les oiseaux « sauvages » (facilement reconnaissables à la condition que
les perdrix lâchées aient bien été baguées) sont comptabilisés dans les prélèvements. Cette technique
a été testée depuis 1995 sur la commune de Pailhès, dans l’Hérault, et a permis de relever puis
maintenir une belle population tout en maintenant les lâchers. Ceux-ci ont alors pour seul but de
permettre un prélèvement supérieur à ce que pourrait offrir une population sauvage. Ce fut le rôle
néfaste de ces lâchers qui ont encouragé des tableaux supérieurs à celui que permettrait une population
« sauvage ».
Les lâchers d’oiseaux autres que Alectoris rufa rufa sont à proscrire. De plus, tout oiseau
provenant d’un élevage doit être bagué avant son lâcher.
Il est possible que, lorsque les populations atteignent des densités très faibles, elles n’arrivent
pas seules à remonter, même en l’absence de chasse. L’étude télémétrique en cours devrait
nous éclairer sur ce sujet. Si tel était le cas, des lâchers de repeuplement seraient nécessaires. La
méthode conseillée est le lâcher, en juillet-août, d’oiseaux de 10-12 semaines, par lots de 10 à 25
sujets, à partir de volières installées sur les sites de lâchers dans lesquelles ils séjournent 3 ou 4
jours. Un agrainage est maintenu à proximité pendant deux mois. Le tir est suspendu 2 ou 3 ans puis un plan de chasse est instauré. Les lâchers sont étalés sur deux ou trois étés. La survie des oiseaux
au printemps suivant est de 15 à 25%. Pour obtenir un couple cantonné au printemps, il est
préconisé de lâcher en été en moyenne de 10 à 15 perdreaux, et ceci sur une surface d’au moins
900 hectares. Il est recommandé de positionner les sites de lâchers dans les secteurs les plus favorables
à l’espèce, plutôt qu’une répartition uniforme sur le territoire, et de les réserver pour des populations
inférieures à 25-30% de la capacité d’accueil. Le lâcher de Perdrix grise en dehors de son
aire de répartition, à la place de Perdrix rouge, n’est pas conseillé.
Exemples de sites avec gestion
Les modes de gestion cynégétique ont été mis en place depuis près de dix années, voire
plus de vingt ans sur huit sites très différents en région méditerranéenne. Les populations
s’y sont maintenues, voire ont augmenté, tout en maintenant des prélèvements satisfaisants.
Dans le cas de Pailhès, les lâchers de tir ont été maintenus avec une gestion rigoureuse des prélèvements
d’oiseaux « autochtones ». Les densités ont augmenté puis restent stables, permettant les
bonnes années un prélèvement de 100 oiseaux sur 600 ha (hors oiseaux d’élevage). Seul le site du
Luberon n’a pas vu remonter les densités, malgré les forts aménagements. Seuls les résultats des
études en cours permettront d’en cerner la raison.
Gestion cynégétique des populations
Elle nécessite d’estimer la densité de la population au printemps et le succès de la reproduction
en été. Pour ce faire, il faut compter 5 jours au printemps et 6 jours en été pour une ou
deux personnes (selon les méthodes) pour un territoire d’environ 600 hectares. A partir des résultats
de comptage, une proposition de prélèvement peut être calculée et il suffit de le respecter. Pour
ce faire, on ne peut que conseiller la mise en place de carnets de prélèvements et une limitation du
nombre de pièces par chasseur et par jour de chasse. Une gestion cynégétique durable doit permettre
de réduire, voire supprimer le coût d’achat d’oiseaux de tir. Les lâchers ne sont pas impossibles
sous certaines conditions).
Remise en culture de parcelles en friches
Le coût de remise en culture d’une parcelle en friche dépend de l’ancienneté de son abandon.
350 euros par ha peuvent suffire pour une parcelle abandonnée depuis peu. Les coûts augmentent
nettement quand il faut débroussailler au préalable (1.500 euros/ha, KMIEC com. pers.).
La réouverture de zones complètement fermées est possible par diverses méthodes : feu dirigé, débroussaillage,
broyages, entretien par pâturage, ... Le cahier technique La Faune Sauvage en milieux cultivés ; Comment gérer le petit gibier et ses habitats donne
des conseils pour la meilleure technique à utiliser selon les habitats et objectifs retenus. Les coûts
varient de 500 euros/ha pour un feu dirigé à 3.000 euros/ha pour des débroussaillages (KMIEC
com. pers.).
Les mesures de l’impact de diverses techniques utilisées en région méditerranéenne ont
montré que les plus favorables à la Perdrix rouge le sont également pour la biodiversité (groupe
des passereaux), ceci de deux manières : par un effet direct de l’ouverture et la diversification de
zones en déprise sur l’avifaune à haute valeur patrimoniale mais aussi par le fait que la Perdrix
rouge et les lagomorphes qui peuvent en profiter sont un maillon de la chaîne alimentaire de
grands rapaces, dont certains très menacés dans nos régions (Aigle de Bonelli par exemple). Cela
signifie que des aménagement souvent lourds peuvent être pris en charge par des dossiers de
conservation et protection de la nature (LIFE, Natura 2000, …) ou dans le cadre de mesures de
prévention contre les incendies. Cela a été le cas à Pailhès (mesure agri-environnementale) et dans
le Luberon (plan de sauvegarde de l’aigle de bonelli). L’espèce pourrait être un très bon indicateur
de la qualité des milieux pour la biodiversité en région méditerranéenne : les techniques culturales
et les aménagements qui lui sont favorables le sont également pour les espèces à haute valeur patrimoniale.
Une meilleure compréhension des mécanismes qui régissent la dynamique des populations
de Perdrix rouge permettront d’améliorer les recommandations en matière de gestion des prélèvements
en répondant aux questions suivantes : existe-t’il des phénomènes de densité-dépendance et
comment fonctionnent ils ou existe-t’il des tailles de populations seuils (minima ou maxima) ?
La mise en place de l’ensemble de ces recommandations, issues de recherches appliquées
sur plusieurs années, sur des sites à l’échelle réelle permettront de valider ces résultats et de confirmer
leur intérêt (LIFE Bonelli).
Enfin, la synthèse des connaissances abordées ici devra être mis à la disposition de tous les
acteurs concernés (CD-Rom).
BIRKAN M. (1994) - Perdrix rouge Alectoris rufa. In : YEATMAN-BERTHELOT D. Nouvel atlas des oiseaux nicheurs
de France 1985-1989.
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