Turdus iliacus
Classe des Oiseaux
Ordre des Passériformes
Famille des Turdidés, Muscicapidés
par Denis Roux
Morphologie
La Grive mauvis est un passereau de taille moyenne, la plus petite des grives.
L’oiseau mesure environ 21 cm pour une envergure de 34 cm. Le poids est de 60 g avec une variation de 50 à 70 g.
Elle est surtout identifiable par son large sourcil blanc ou jaunâtre et ses flancs et dessous des ailes de couleur rousse.
Son plumage est de couleur brun-olive sur le dos, blanchâtre et taché de macules brun-olive sur le ventre, identique chez les deux sexes.
La distinction entre mâles et femelles est impossible. En revanche, la distinction est possible entre jeunes et adultes : taches apicales triangulaires de couleur blanchâtre sur les vexilles externes de une à deux plumes tertiaires chez les jeunes, et taches apicales arrondies ou totalement disparues sur les vexilles externes des plumes tertiaires chez les adultes.
La seule confusion possible peut se produire avec la grive musicienne. Mais cette dernière est plus grosse et possède des couvertures sous-alaires de couleur jaune-olive.
Régime alimentaire
La grive mauvis se nourrit de baies et de petits invertébrés selon les saisons.
En automne et en hiver, le régime alimentaire de l’oiseau en région méditerranéenne est essentiellement végétal (80 % de la fréquence d’occurrence) et se caractérise par la consommation de baies et de fruits tels que les baies d’aubépines (Crataegus monogyna), de cornouiller sanguin (Cornus mas), de sorbier (Sorbus aucuparia), d’alisier blanc (Sorbus aria), de lierre (Hedera helix), de genévrier commun (Juniperus communis), de prunellier (Prunus spinosa), de pommes domestiques ou sauvages (Malus sp) et de grains de raisin (Vitis vinifera). La part de la fraction animale, qui reste relativement faible est composée d’invertébrés tels que les vers de terre, les petits mollusques et des larves ou des adultes de coléoptères et d’arthropodes.
En fin d’hiver, de janvier à mars, les adultes et larves de coléoptères, d’arthropodes, de myriapodes et de lépidoptères ainsi que de gastéropodes ou encore de vers de terre sont beaucoup plus consommés, la part de cette fraction animale prenant le relais en fin de saison lorsque les baies disparaissent progressivement.
Au printemps et en été, son régime alimentaire est presque totalement animal (peu de végétaux) : insectes, araignées, vers et petits escargots.
Comportement social et activité
C’est un oiseau grégaire en dehors de la saison de reproduction qui migre en groupes lâches mais aussi en solitaire. Des groupes de plus de 100 individus se rassemblent la nuit (dortoir) sur des sites forestiers denses. L’espèce peut être observée en compagnie d’autres grives (exemple grive litorne) pendant tout l’hiver.
En automne et en hiver, l’activité des oiseaux est très forte. Le matin, au lever du jour, les oiseaux quittent discrètement, seuls ou en groupe, les zones de dortoir, font des haltes et se dirigent vers les zones de gagnage. La journée est consacrée à la recherche de nourriture et à l’alimentation. L’après midi, vers 15h00, les oiseaux se rassemblent en petits groupes de 15 à 20 individus et se déplacent vers les zones de dortoir. Arrivée bruyante au dortoir, les oiseaux se perchent et descendent petit à petit. Cette activité, notamment la distinction entre ces différentes zones, est typique en milieux méditerranéens.
Reproduction et survie
L’espèce est monogame. L’âge de maturité sexuelle est de 1 an.
La période de nidification se situe de mai à la mi-juillet. Le nid est souvent au sol, sous les buissons ou dans la végétation épaisse, dans un arbre ou sur une souche, et le choix de l’emplacement est le fait de la femelle. Il est composé d’herbes, de mousse, de boue et de végétaux.
En moyenne, la ponte comporte 4 à 6 oeufs, rarement plus. L’incubation (femelle) commence après la ponte du dernier oeuf et dure environ 12 à 13 jours. En règle générale, 2 couvées sont tentées chaque année. Les deux sexes nourrissent les jeunes. L’envol des jeunes se fait en moyenne à l’âge de 14 jours.
Concernant le succès de la reproduction, sur 209 nids suivis en Norvège, on enregistre un taux de réussite de 49,3 %. Dans la région de Leningrad, 384 oeufs donnèrent 266 oisillons dont 210 s’envolèrent.
Ses exigences vis-à-vis de l’habitat sont peu marquées ; elle tolère un climat froid et humide mais évite cependant les extrêmes, les zones gelées ou enneigées de façon prolongée.
Bien qu’étant la moins robuste des grives et donc plus vulnérable à la mortalité massive, elle fait preuve d’une large amplitude d’habitat en s’implantant dans des biotopes aussi divers que les massifs forestiers (feuillus ou résineux) ou les complexes bocagers, et elle a été observée jusqu’à 1600 m d’altitude dans les Alpes du Sud.
Son habitat est très varié : arbres, buissons, haies qui lui offrent couvert et nourriture.
En période de reproduction, l’espèce niche dans les plaines et les plateaux arctiques et subarctiques. Elle préfère les couverts de bouleaux ou de bois mixtes, souvent avec beaucoup de pins et d’épicéas, plus particulièrement le long des rivières et les zones inondées, mais aussi les bosquets bas et rabougris de bouleaux, de saules nains et de genévriers.
En hiver, l’oiseau préfère les prairies riches, les chaumes, les buissons, les haies, les sous-bois et les bois ouverts.
Reproduction
Oiseau du Paléarctique, son aire de nidification s’étend en Islande, en Scandinavie, dans les états de la Baltique et l’ouest de la Russie.
Elle est abondante en période de nidification en Suède, Finlande, dans les pays baltes, et un peu moins en Norvège, Islande, Pologne et dans le nord de l’Ecosse.
En France, l’espèce est présente uniquement en migration et en hivernage.
Migration
Les déplacements migratoires s’effectuent la nuit.
La migration post nuptiale est différente de celle de la grive musicienne. En effet, la comparaison des dates de passage en France et des dates de départ dans les pays d’origine démontre un type de migration progressive et continue tout au long de l’hiver. L’arrivée en France de l’espèce, maximale en novembre-décembre, contraste avec son départ des zones de reproduction qui a lieu à des dates comparables à celles de la grive musicienne. Ceci démontre que la migration post nuptiale s’effectue lentement à travers l’Europe occidentale. Un tel comportement migrateur, tardif et continu, est difficile à séparer de déplacements hivernaux liés aux conditions climatiques. Avec des cas de changement radical de zone d’hivernage d’une année à l’autre, la Grive mauvis a été qualifiée par beaucoup d’auteurs de « nomade ».
La migration de retour dite migration prénuptiale a lieu de la mi à la fin février à la fin avril.
Hivernage
Son aire d’hivernage, plus restreinte que pour les autres grives, est limitée à l’Europe Occidentale et Méridionale, débordant légèrement sur l’Afrique du Nord.
L’Espagne et l’Angleterre accueillent les trois quarts de la population hivernante, avec une forte proportion pour l’Espagne.
Les grives mauvis hivernant en France proviennent de tous les pays de reproduction de l’espèce mais le taux de reprise est le plus élevé pour celles originaires de Suède.
La répartition hivernante en France est similaire à celles des grives musiciennes.
Directive du Conseil du 02 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages (79/409/CEE) autorisant la chasse de ces espèces (annexe II).
Convention de Bern du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe (annexe II : espèce de faune dont l’exploitation, sous quelque forme que ce soit, est réglementée).
Au niveau de l’Etat français, un arrêté du 26 juin 1987 modifié fixe la liste des espèces de gibier dont la chasse est autorisée. Dans cet arrêté, les grives et le Merle noir, classés dans la catégorie des “ oiseaux de passage ”, peuvent être chassés sur tout le territoire.
Toujours au niveau de l’Etat français, deux arrêtés du 18 juillet 2002 fixent les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse de ces espèces dites « oiseaux de passage », avec des conditions spécifiques de chasse à partir du 1er février.
Le mode de chasse couramment utilisé est la chasse devant soi. Dans le Sud, notamment en Méditerranée, quatre modes de chasse sont pratiqués :
la passée du matin et du soir : le chasseur, placé dans un affût découvert, guette le passage des oiseaux entre les zones de dortoir, généralement situées en montagne, et les zones de gagnage (cultures en plaine),
le cul levé : il s’agit d’une chasse devant soi, où le chasseur recherche l’oiseau sur les zones de gagnage.
le poste : le chasseur, placé dans un affût entièrement fermé, guette la pose de l’oiseau sur un arbre aménagé, après l’avoir attiré par des chants d’oiseaux vivant en captivité, placés à proximité des lieux (appelants),
les gluaux : il s’agit de la capture des grives et du Merle noir aux gluaux à partir d’une installation fixe (arbres aménagés et cabane). Les oiseaux ainsi capturés sont destinés à servir d’appelants pour la chasse de la grive au poste (ou à la cabane).
La pratique de la passée est assez récente (environ une trentaine d’années), alors que la chasse au poste (ou à la cabane) et la capture des grives et du Merle noir aux gluaux sont des modes de chasse très anciens et sont considérés comme des “ chasses traditionnelles ”.
La commercialisation est interdite (Arrêté Ministériel du 20/12/83) ainsi que la chasse ferme en temps de neige (pas dans tous les départements). La capture des oiseaux aux gluaux est réglementée par arrêté ministériel du 17 août 1989 relatif à l’emploi des gluaux dans les Alpes de Haute-Provence, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, le Var et le Vaucluse, qui fixe les conditions techniques de ce mode de chasse. En outre, l’emploi des gluaux est soumis à une autorisation annuelle délivrée par le Préfet aux détenteurs du droit de chasse sur le territoire dans lequel ils sont installés.
Tendance des effectifs
L’absence de données sur l’estimation des populations nicheuses dans de nombreux pays empêche de préciser le statut de conservation de l’espèce.
En Europe, 17 pays accueillent des effectifs reproducteurs et les populations sont estimées entre 5 et 6,5 millions de couples et la population de la Russie entre 100 000 et 1 million de couples.
De 1970 à 1990, les effectifs sont considérés comme fluctuants sans qu’on puisse donner de chiffres précis comme pour les autres espèces.
Les données actuelles ne permettent pas de se prononcer sur l’évolution de l’aire de répartition dont les fluctuations sont très irrégulières.
Statut de conservation
L’espèce est considérée comme ayant un statut de conservation favorable en Europe ; elle est classée en catégorie SPEC 4 : « espèce dont les populations sont globalement concentrées en Europe et ayant un état de conservation favorable en Europe ».
Menaces
La chasse : l’enquête nationale réalisée en 1998-1999 sur les tableaux de chasse à tir fait apparaître un prélèvement total de 4 537 960 grives (± 1,8 %), toutes espèces confondues. Ainsi, les grives arrivent au troisième rang en terme de prélèvement parmi les 39 espèces de l’enquête.
Les conditions météorologiques : elles sont un facteur très déterminant pour la migration et la répartition des espèces migratrices. En effet, la migration peut être interrompue ou modifiée selon les conditions météorologiques et atmosphériques rencontrées. Les zones d’hivernage peuvent évoluer en fonction des rigueurs climatiques.
Les modifications et la diminution de la couverture des habitats : une modification des habitats par diminution de la couverture forestière, des haies, de la garrigue, du maquis et de la diversification des espaces engendre une diminution des potentialités alimentaires et des abris efficaces. Même si, sur l’ensemble du territoire national, on note une augmentation de la surface boisée, celle-ci se fait au détriment de zones de cultures, de landes et de friches, milieux présentant des ressources alimentaires importantes. Il faut ajouter une exploitation moindre, surtout en milieux méditerranéens, entraînant une homogénéisation du milieu et un appauvrissement des ressources alimentaires.
L’influence de la chasse sur les paramètres démographiques des populations peut avoir un effet non négligeable.
Propositions relatives au biotope et au dérangement
Il est important que nos paysages forestiers, de garrigue, de maquis et agricoles soient les plus diversifiés possible pour cette espèce. Ainsi, un bon habitat d’hivernage pour la grive mauvis nécessite de réunir à la fois des potentialités alimentaires importantes et un abri efficace. Tout ce qui peut rompre la monotonie de l’habitat forestier est favorable. La nourriture étant essentiellement constituée de la fraction végétale, tout ce qui peut favoriser la production de baies peut qu’accroître la capacité d’accueil d’un milieu. Une forêt diversifiée en peuplements forestiers est forcément un milieu riche en alimentation fruitière. Les coupes de bois créent des ouvertures dans le milieu qui favorisent la régénération de buissons et d’arbustes à baies intéressants pour les oiseaux, mieux qu’une forêt plus ancienne. Les interfaces entre la forêt et les secteurs agricoles sont également des zones favorables pour ces espèces car, autrefois beaucoup utilisées par le pâturage, elles sont aujourd’hui occupées par des zones de buissons et de forêts d’arbustes et d’espaces ouverts, riches en potentiels alimentaires et donc attrayantes pour les oiseaux. Maintenir les haies, les bosquets, favoriser leur plantation avec des essences intéressantes pour l’espèce, proposer des zones de reboisement à partir d’essences à production de baies consommées par ces oiseaux durant toute la période hivernale sont autant d’aménagements à préconiser (ex. : l’aubépine monogyne dont les baies sont présentes tout l’hiver).
Cet oiseau étant fortement chassé, créer des espaces en réserve pour assurer sa tranquillité pendant la recherche de nourriture mais également sur des zones de dortoir, nous parait être une bonne mesure de gestions pour ces espèces. Leur superficie doit être suffisante pour favoriser la quiétude des oiseaux et pour qu’ils puissent hiverner en toute tranquillité.
Proposition relative à la chasse
Pour limiter les tableaux de chasse, un prélèvement maximal autorisé par chasseur et par jour peut être préconisé avec la tenue d’un carnet de chasse.
de poursuivre le suivi des populations nicheuses réalisé en France dans le cadre du réseau national « oiseaux de passage » et de rajouter des covariables tel que le type d’habitat dans le souci d’une gestion adaptée ;
de poursuivre et affiner le suivi des oiseaux hivernants (comptage « flash ») également réalisé en France dans le cadre du réseau national « oiseaux de passage » ;
de mettre en place sur des périodes triennales ou quinquennales, des enquêtes régionales sur les tableaux de chasse à tir par échantillonnage à partir des carnets de chasse pour détecter rapidement les tendances à la baisse (répartition quantitative et chronologie des prélèvements), pour expliquer l’origine de ces diminutions, et déterminer l’influence des prélèvements (âge ratio) de chaque mode de chasse ;
d’engager des études sur l’habitat d’hivernage de cette espèce. En effet, la fragmentation de l’habitat ainsi que la structure et la dynamique de la végétation constituent des facteurs importants pour l’accueil de cette espèce en période d’hivernage. Cette étude des populations doit permettre de dégager plus précisément la part de la modification des biotopes et de pouvoir ainsi proposer des mesures de gestion de l’habitat dans le cadre de programmes d’aménagement et de gestion de l’espace rural (contrats d’agriculture durable, plans d’action multi-usages, …) ;
d’évaluer l’impact des dérangements par la chasse, notamment certains modes de chasse tels que la passée du soir qui se pratique en milieu méditerranéen afin de pouvoir préconiser des mesures adéquates.
de mettre en place un suivi sur des stations pilotes pour mieux cerner l’abondance de cette espèce en migration et en hivernage en France ;
de mettre en place un programme national sur le baguage pour préciser l’origine géographique des oiseaux hivernants et pour calculer à terme des taux de survie annuelle. La dispersion des oiseaux, la durée de stationnement et la fidélité des oiseaux aux sites de nidification et d’hivernage peuvent être également appréhendées ;
de mettre en place un suivi de l’abondance de cette espèce en migration et en hivernage en France ;
de mettre en place une collecte d’ailes sur des territoires échantillons chassés pour permettre d’obtenir des données sur l’âge ratio, la répartition quantitative et chronologique des prélèvements, mais également obtenir des renseignements sur le sexe-ratio des individus hivernants (sexage moléculaire) et l’origine géographique (méthode des isotopes).
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