Une méthode d’inventaire des bocages a été mise en œuvre sur le Pays Bressuirais. Renouvelable dans le temps et l’espace, elle permet de caractériser les différents bocages français en termes de fonctionnalités écologiques. L’approche exhaustive de la problématique se montre la plus appropriée en vue de comprendre comment les territoires bocagers et leurs unités écologiques s’organisent ? Cet outil d’aide à la décision en matière de gestion durable du paysage bocager est porteur de nombreuses applications potentielles en termes de diagnostic et de suivi du bocage.
Ce travail sera utilisé par le Pays bressuirais dans le cadre d’une réflexion autour du développement du bois-énergie sur son territoire.
Objectifs généraux :
- caractériser et cartographier les différents bocages français de manière homogène ;
- avoir un état des lieux initial puis suivre la dynamique des paysages bocagers ;
- dégager les fonctionnalités écologiques des bocages.
Objectifs sur le territoire :
- délimiter les zones bocagères et les différents types de bocage du territoire ;
- déterminer les zones prioritaires pour la plantation de haies favorables à la faune sauvage ;
- déterminer les zones prioritaires pour la sauvegarde et l’entretien de haies patrimoniales ;
- mettre en avant les lacunes du maillage bocager en prenant en compte les notions de trame verte et bleue ;
- cibler les bassins versants vulnérables vis-à-vis de la qualité de l’eau.
Il s’adresse aux collectivités locales (élaboration de documents d’urbanismes), aux associations ainsi qu’à tous les acteurs du bocage dans le cadre d’une politique locale de reconquête des paysages bocagers.
Les résultats cartographiques d’un tel procédé, ciblé sur les territoires, apportent des réponses précises aux acteurs en terme d’aménagement de l’espace rural, de protection de la biodiversité (" ordinaire " et " extraordinaire ") et de qualité de l’eau. En mettant en évidence des espaces à enjeux prioritaires, ces cartes permettent de localiser de potentielles actions foncières, de conservation ou pédagogiques. A long terme, ce diagnostic pourra être utilisé pour évaluer l’efficacité des politiques environnementales menées sur les espaces bocagers.
C’est une démarche de prospection quantitative et exhaustive. Elle se compose d’une première phase de numérisation et d’une seconde d’analyse avec à terme des réalisations cartographiques. Pour cela, l’outil géomatique parait le plus adapté (faible coût, traitements numériques spatialisés, visualisation homogène des enjeux…).
Il s’agit d’une numérisation exhaustive de l’ensemble des éléments fixes constitutifs du paysage bocager.
Un peu de technique :
Elle est réalisée par Photo-Interprétation Assistée par Ordinateur (PIAO) à l’aide d’un logiciel SIG (Système d’Information Géographique). Le support de numérisation est la Base de Données Ortho de l’IGN. L’échelle de numérisation conseillée est le 1/2000ème, avec une tolérance d’erreur de 2 m. L’utilisation des Bases de Données CarthAge (gratuit) et SCAN25 IGN sont des supports facilitant la numérisation. De même, une grille au maillage de 1 Km² facilite la démarche en orientant la numérisation et minimisant les risques d’oubli.
- La vitesse de numérisation est évaluée entre 250 et 280 Km² par mois en travaillant à temps plein, suivant la densité des différentes entités.
- Le pourcentage de marge d’erreur de la PIAO avec la réalité est lui mesuré à 3.43%. Il est issu de la comparaison des données de Plans de Gestion des haies avec la PIAO.
- La haie (polyligne) : bande de végétation linéaire qui peut être composée de strates arborescentes et/ou arbustives d’une largeur inférieure à 10 m, bornée soit par une extrémité libre, soit par une connexion avec une autre entité, soit par un angle inférieur ou égal à 130° formé avec une nouvelle entité. Un espacement supérieur à 15 m entre deux structures linéaires ligneuses entraîne la numérisation de deux entités distinctes.
La ripisylve (polypligne) : Formation végétale ligneuse en bordure du réseau hydrographique d’une largeur inférieure ou égale à 10 m.
L’arbre isolé (ponctuel) : Arbre avec un houppier conséquent, ne se situant pas dans la continuité d’une entité ligneuse et en dehors des espaces urbanisés.
La mare (ponctuel) : étendue d’eau stagnante d’une surface inférieure ou égale à 2000 m².
Le plan d’eau (polygone) : Etendue d’eau stagnante d’une surface supérieure à 2000 m².
la lisière forestière (polyligne) : périphérie de surface boisée d’une largeur supérieure à 10 m.
la lisière de friche (polyligne) : périphérie de surface en friche, de brandes (landes).
Les forêts (polygone) et les friches (polygone) sont éditées automatiquement à partir des polylignes fermés des couches ’lisière forestière’ et ’lisière de friche’.
Il n’existe pas de méthode analytique unique et incontestable. Les éléments évoqués ci-après sont cités à titre d’exemple.
Avant tout, il paraît important de réaliser l’analyse des données en gardant les objectifs en mémoire : Ressortir l’état et les fonctionnalités écologiques d’un bocage. De même, ces analyses doivent s’appuyer sur les notions de base de l’écologie des paysages. Il est primordial de garder un regard critique sur les différentes opérations effectuées et les résultats obtenus car il est impossible de représenter cartographiquement les phénomènes de la réalité dans ses détails les plus concrets. La mise en place d’un comité de pilotage afin d’élaborer et valider une méthode d’analyse est donc conseillée. Vous trouverez ci-après des notions et des éléments permettant de définir une méthode d’analyse la plus pertinente.
Des données externes :
En complément de la base de données ainsi créée, il reste nécessaire d’utiliser des données complémentaires dans la mesure du possible (coût et disponibilité) :
Le réseau hydrographique (Base de Données CarthAge),
L’occupation des sols : les prairies permanentes, les types de cultures et la Surface Agricole Utile (Corine Land Cover ou Registre Parcellaire Graphique),
Le bâti (Base de Données Carto IGN ou Corine Land Cover),
Les infrastructures liées au transport (Base de Données Carto IGN),
Les lots de données sur les espaces inventoriées, protégées et contractualisées (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement),
Des données issue d’inventaires faunistiques…
Ces traitements doivent permettre de visualiser l’information de manière éloquente en vue des objectifs et de l’échelle du territoire mais doivent rester pertinents en termes d’écologie des paysages. C’est le cas du calcul de la densité des formations linéaires ligneuses (haies, ripisylves, lisières) et du degré de fermeture du paysage.
Pour évaluer ce degré de fermeture, l’indice de cohérence, I(Co), du bocage, établi par E. Vadaine (Caen, 2002), paraît le plus judicieux. Il est basé sur le nombre d’extrémités libres et le nombre de connexions du linéaire avec un " poids " attribué a chaque type de connexion. Ces types de connexion sont générés par géotraitement. En terme d’interprétation, plus I(Co) s’approche de 100% plus le maillage est structuré et fermé.
Les notions de densité et de fermeture permettent de mettre en avant la continuité ou la fragmentation du réseau bocager et par conséquent sa fonctionnalité en termes d’échanges biologiques permettant le maintien de la biodiversité.
L’acquisition de l’ensemble de ces données peut permettre de réaliser des analyses multivariées en identifiant et pondérant un certain nombre de variables. Cette pondération est fonction de l’mportance des variables en termes d’habitat bocager favorable à la faune (pouvoir d’accueil, ressource alimentaire…).
Dans le cas de grands territoires, une schématisation des résultats cartographiques s’avère bénéfique. Cela peut permettre de mettre en évidence et mieux discriminer les zones uniformément denses puis les zones " désertiques ", d’avoir une meilleure vision d’ensemble et de gommer des biais éventuels. Pour cela, il faut créer une fenêtre de x mailles dans laquelle la maille d’origine contient la moyenne des valeurs des x mailles de la fenêtre. Ce calcul se poursuit alors automatiquement de proche en proche sur toutes les mailles.
Les travaux réalisés pour la Trame verte et bleue ont permis de mettre en avant des modèles simples de coût de déplacement représentant les capacités de déplacement de la faune sauvage. Il s’établit sur des coefficients de résistance attribués à chaque type de milieux pour un cortège d’espèces données (Guide Méthodologique Infrastructures vertes et bleues, DREAL Rhône Alpes).
X = S (distance parcourue x coefficient de résistance du milieu traversé).
X étant plafonner à une certaine valeur, cela permet de déterminer la distance limite que les animaux peuvent parcourir les milieux traversés.
Ce modèle peut compléter les analyses précédentes.
Il est par ailleurs possible de définir des zones tampons en fonction des habitats.
Dans le cadre de la réalisation de la Trame verte et bleue en région, les Schémas Régionaux de Cohérence Ecologique doivent être mis en place. Cette méthode de diagnostic peut constituer un apport conséquent à l’élaboration de ces schémas (à l’échelle du Schéma de COhérence Territorial également). Les données issues de tels inventaires peuvent permettre de mettre en évidence les continuums écologiques et les zones nodales propres à chaque groupes taxonomiques ou à toute la faune.
Elle permet également de faire apparaître les discontinuités écologiques liées aux barrières topographiques et anthropiques, de même que les espaces de corridors entre les réservoirs de biodiversité.
Une importance toute particulière doit être attribuée à l’échelle d’acquisition, d’analyse et de restitution des données. Elle doit être la plus homogène possible au fil des différentes étapes et suivant les différentes bases de données utilisées. L’échelle constitue un facteur très limitant. Les données externes doivent être les plus précises possible (privilégier les échelles comprises entre 1/2 000ème et 1/25 000ème).
Concernant les géotraitements et les résultats cartographiques, il est possible d’utiliser un maillage de 1 à 100 ha. Pour le définir, il est préférable de rester dans les échelles de capacité de déplacement de la faune sauvage (variable en fonction des espèces ciblées).
Un premier territoire expérimental a été désigné en Poitou-Charentes, celui du Pays Bressuirais (sur socle du Massif Armoricain).
En quelques chiffres :
- 1.130 Km² de numérisé,
- 11.286 Km de haies (131.400 entités), soit 103,2 ml/ha et 123,9 ml/ha de SAU,
le double de la densité des haies vendéennes à surface égale (35.000 Km de haies sur 6.720Km²), soit 52 ml/ha et 73 ml/ha de SAU (IFN),
- 1.223 Km de ripisylves (12.200 entités),
- 6.310 ha de forêts (5.400 entités),
- 1.340 ha de friches (4.700 entités),
- 1.010 ha de plans d’eau (1.400 entités),
- 5.200 mares,
- 36.200 arbres isolés.
Les géotraitements réalisées ici sont appliqués sur un maillage de 1ha :
une analyse multivariée avec onze variables pondérées :
- longueur de haies (ml/ha),
- indice de connectivité des linéaires ligneux,
- surface en prairie permanente (d’après le Registre Parcellaire Graphique),
- longueur de ripisylves,
- surface en forêt,
- surface en friche,
- nombre de mares,
- surface en étang,
- lisière de forêt,
- lisière de friche,
- nombre d’arbres isolés.
Puis une schématisation (fenêtre 2x2) est réalisée.
Une première interprétation des résultats cartographiques met en évidence trois types de " réservoirs de biodiversité " à l’échelle intercommunale .
- Des zones en prairies permanentes avec un maillage bocager très dense, des mares et des arbres isolés ;
- Des zones de fond de vallée alluviales où se trouvent de nombreuses ripisylves, friches et forêts (vallée du Dolo) ;
- Le troisième type de zone concerne des territoires présentant des amas forestiers concentrés avec de longues lisières (forêt de Boissière).
De nouvelles analyses intégrant des données relatives à la faune vont être réalisées au cours de l’année 2010
référence bibliographique :
DREAL Rhône Alpes, 2005. - Guide Méthodologique - Infrastructures vertes et bleues, 42p.