Pôle Bocage
et Faune Sauvage

Etat des populations et menaces potentielles

Tendance démographique
L’estimation totale de la population européenne est comprise entre 3 et 13,2 millions de
couples. Cette large fourchette est due aux grandes imprécisions concernant la Russie et la
Turquie. Sans ces deux pays l’estimation est de 1,9 à 3,2 millions de couples reproducteurs
dont 1,3 à 1,9 millions pour l’Union Européenne. Peu de travaux scientifiques ont porté sur
l’évolution des populations de cette espèce en Europe, probablement en raison de la difficulté
à effectuer des suivis sur le long terme selon une méthodologie rigoureuse. Cependant le
Royaume-Uni dispose d’un suivi à long terme des effectifs nicheurs, appelé Common Birds
Census ou CBC, ainsi que les Pays-Bas avec le Breeding Bird Monitoring Program. Ce sont
les résultats anglais qui ont montré un déclin des effectifs nicheurs de 70 % des années 1975 à
2000, entraînant de ce fait le statut défavorable attribué à cette espèce.
En France, pendant la période 1985-1987 l’effectif français aurait été compris entre 200 000 et
450 000 couples et il est présumé avoir diminué de 50 % pendant la période 1970-1990. Le
Programme A.C.T. (Alaudidés, Colombidés, Turdidés) de l’ONCFS, mis en application par le
réseau oiseaux de passage, a pour objectif principal le suivi des populations nicheuses de ces
espèces en France. Après un test expérimental de faisabilité réalisé en 1992 et 1993, le
protocole retenu, basé sur les I.P.A.(Indice Ponctuel d’Abondance) a été étendu à l’échelle
nationale. Tous les ans, 1000 routes de 5 points d’écoute sont parcourues par 800
observateurs, lors de deux passages, le premier en avril et le deuxième, concernant la
Tourterelle des Bois, entre le 15 mai et le 15 juin. Les résultats indiciaires suivants ont été
obtenus sur les 8 premières années :

Ces résultats traduisent une faible variabilité au cours de la période d’étude, avec une
tendance à l’augmentation.

Statut de conservation
La Tourterelle des bois (classée en SPEC 4 par Birdlife International) est considérée comme
« declining », c’est à dire dont les effectifs sont en déclin (modéré) et le nombre de couples nicheurs
supérieur à 10 000 couples en Europe. En France elle est classée en catégorie CMAP5, c’est à dire en
déclin et à surveiller.

Menaces
- Les conditions météorologiques : Dans l’aire d’hivernage les conditions climatiques (tout
particulièrement la sécheresse) peuvent entraîner de façon indirecte une mortalité anormale
durant cette période. Depuis 1970, les régions sahéliennes de l’ouest africain, lesquelles
constituent les zones d’hivernage principales des populations européennes occidentales, ont
été frappées par une longue période de sécheresse, la pluviométrie annuelle dépassant alors
peu fréquemment les moyennes annelles et se situant souvent très en deçà.
Dans l’aire de reproduction, de fortes précipitations suivies d’une baisse de la température
peuvent entraîner une forte mortalité des jeunes au nid. Les nids sont également très fragiles et
des forts coups de vent (tempête, orage) provoquent leur destruction.

- La chasse : Pour certains auteurs, la chasse aurait des effets néfastes sur les populations de
Tourterelle des bois et constituerait l’un des facteurs importants de leur déclin. Est visée en
particulier la chasse durant la migration printanière toujours pratiquée au Maroc et en France
(où elle est illégale) et probablement dans d’autres pays méditerranéens, ainsi que dans les
zones d’hivernage où il n’y a pas de gestion cynégétique. La non exhaustivité des estimations
de population et des tableaux de chasse dans l’aire de répartition incite à une forte prudence
dans l’interprétation des chiffres obtenus. Il se prélèverait entre 2 à 4 millions d’oiseaux dans
la seule Union Européenne. Les prélèvements cynégétiques effectués dans les autres pays
(hors UE) de l’aire de répartition ne sont pas connus actuellement.
En France, l’enquête nationale réalisée en 1983-1984 par sondage a permis d’estimer le prélèvement à
583 000 tourterelles (+/- 4,5 %), sans distinction d’espèces entre S. decaocto et S. turtur, auquel il
conviendrait d’ajouter 36 500 Tourterelles des bois tuées en mai 1984 en Gironde. En 1998-1999, le
prélèvement a été estimé à 594 960 tourterelles se répartissant en 189 300 Tourterelles des bois et
305 660 Tourterelles turques. D’une manière générale, le retard de l’ouverture général de la chasse au
deuxième dimanche de septembre dans le sud et au quatrième dans le nord limite fortement les
prélèvements sur cette espèce. Cependant le code rural permettait lors de ces enquêtes une ouverture
anticipée spécifique au 15 août et une vingtaine de départements du Sud appliquaient cette possibilité.

- Les pertes d’habitat : En Europe, les changements d’habitat ont été évoqués pour expliquer la
diminution des effectifs nicheurs dans les Pays-Bas, en Italie, dans le Royaume-Uni, en Espagne, en
Grèce, en Belgique et en Autriche. En France, les opérations de restructuration foncière
(remembrement agricole) liées à la mécanisation et à l’intensification de l’agriculture ont entraîné un
arrachage considérable des haies et des boqueteaux depuis les années 1960. Ainsi, 610 000 km de
haies ont été détruits alors que seulement 10 000 km étaient replantés dans la même période
(SCHMUTZ et al., 1996). D’autre part, l’entretien mécanique des haies, ainsi que les nouvelles
techniques sylvicoles ont modifié considérablement les sites potentiels de nidification. L’utilisation
généralisée des herbicides a entraîné la forte régression des adventices dont les graines constituaient
la base du régime alimentaire au printemps.

- La prédation : En période de reproduction, la prédation peut être la cause de la destruction des
nichées, ce facteur représentant 34% des pertes dans un cas étudié en Angleterre. Elle est surtout
exercée par les corvidés, en particulier le Geai (Garrulus glandarius). Les jeunes oiseaux
inexpérimentés, parfois des adultes, peuvent être la proie de l’Epervier (Accipiter nisus).

- Le dérangement : La tourterelle est une espèce très sensible au dérangement pendant la nidification
et le nid peut être abandonné. Ainsi, en Autriche, lors d’une étude réalisée sur cette espèce, les
oiseaux dérangés pendant la nidification ou l’incubation abandonnent le nid dans la moitié des cas ce
qui constitue un cas extrême. En effet 14% de cas d’abandon du nid ont été relevés en moyenne
pendant la nidification en Angleterre, avec un maximum de 28 % en août.

- Compétition interspécifique : Une compétition avec la Tourterelle turque (Streptopelia decaocto) est
évoquée par plusieurs auteurs en particulier en ce qui concerne l’utilisation des ressources
alimentaires mais aussi sur les sites de nidification. La formidable expansion de la Tourterelle turque
atteste de son pouvoir de colonisation d’habitats jusqu’à présent de type urbain et périurbain et plus
récemment de milieux ruraux (villages, hameaux et fermes isolées). Son statut d’espèce sédentaire lui
confère un avantage quant à l’utilisation des différents sites.

 

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